Cette année, on fête les dix ans de Musique Millet. Ce n'est pas une mince entreprise, puisque le nouveau (double) CD se révèle lui aussi très lourd en quantité et en qualité. Vous avez aimé le 2009 ? Considérez que celui-ci est au moins aussi bon !

Sans perdre de temps, analysons un peu ce qui nous est proposé, en commençant par le deuxième disque, contre toutes attentes tellement vous n'y êtes pas habitués. Il est consacré aux formations "lourdes", aux morceaux "du monde" et bien sûr aux titres chorale, as usual. Le Cocoon introduit la voix de Léna Quignette, déjà des plus agréables, sur fond de moult ukulélés. Le traditionnel roumain et le Yann Tiersen (une réminiscence d'un lointain CD du lycée...) dispensent chacun leurs ambiances, au son des cordes, cuivres, clarinettes et flûtes. Tout y est maîtrisé, comme sur les titres chorale. Bon c'est sûr, les deux derniers du CD, transpirent la fête et sont nettement plus "rock'n'roll" dans le fond comme la forme. Mais quelle beauté dans ce Michael Jackson ou ce "Black Is the Colour" renforcés par les claviers du professeur Vincent Lonjon ! La chorale est pleine de feeling sur le gospel et une petite guitare vient faire ressortir l'influence hispanique du Monteverdi. Mais le meilleur reste les trois autres morceaux, avec cet "Ave Maria" très féminin et aux flûtes magnifiques, ce "Over the Rainbow" jazzy et ce Mozart plus complexes aux chants à réponses. Un beau travail qui ne dérogera pas à la règle de l'amélioration de cette partie.

Inutile de vous préciser que le meilleur réside dans l'autre disque, qui contient pas moins de dix-sept plages destinées à vous faire rêver, qui que vous soyez. Pour cela, il y a une préposée, mademoiselle Caroline Gasnier qui se fait un peu plus repérer qu'avant avec son Hélène Ségara et son Grégory Lemarchal. Si tous les deux restent émouvants, le second contient en plus un décollage très rock salvateur, sachant que la jeune fille n'évoluera pas souvent dans ce style (et ça lui va comme un gant tellement elle arrive à le transporter). La jeune fille possède par ailleurs une voix fantastique, d'une justesse incroyable. Les hommes ne sont pas en reste cette année puisque l'on découvre d'abord Calidore sur un Ogres de Barback très manouche, où l'on reste captivés par la guitare de Félix Moal, la flûte toute en trilles de Rebecca Contreiras, et la contrebasse de Hugo Poidevin. Ce dernier a tout pour plaire : contrebasse, chant (Extreme et "Wish You Were Here"), piano ("Ave Maria" du second CD) et guitare (Extreme, avec une fin en tapping s'il vous plait), ce qui lui permet de briller dans divers genres, bref son talent est réellement mis en valeur sur ce disque. On découvre aussi, grâce à ce dernier peut-être, les deux plus belles voix masculines que Musique Millet ait compté. Adrien Bousquet d'abord, l'interprète du "Honesty" de Billy Joel et du "Something" des Beatles possède une chaleur soul enchanteresse, avec des intonations murrayheadiennes sur le second. Jean-Marie Canoville ensuite, doté d'un organe de baryton-basse qui brille littéralement sur "Les Longues Nuits d'Isaac", toujours juste et sans excès. Nous verrons d'ailleurs qu'il restera l'interprète rêvé et attitré des morceaux d'Ange par Musique Millet.

Pink Floyd, Genesis et Bill Bruford peuvent dormir tranquille, leur mythe est préservé. Ah ce Bill ! C'est l'une des pépites de l'album, bien funky avec un Jean-Rémy Gloaguen qui, en dehors de son hautbois sur le volume précédent, n'a jamais été aussi bien mis en avant (ce solo de basse !) On comprend que Vincent Lonjon soit particulièrement fier de ce titre. L'ambiance de "Wish You Were Here" est restituée avec la guitare à la radio, les soli de Jean-Marie Canoville, les intonations gilmouriennes dans la voix d'Hugo Poidevin, le synthé-trompette... Quant au Genesis, il voit Mathias "Petrucci" Cosnefroy (cf. disque précédent) opérer seul pour un "Horizons" planant à la guitare folk, chose que Steve Hackett lui-même ne fait plus depuis longtemps en ce qui concerne cet instrument (il a préféré la classique).

N'oublions pas les filles. Outre Caroline Gasnier, le Paris Combo nous offre Léa Gibert chantant de manière moqueuse sur fond reggae et cuivres réjouissants. Très savoureux, tout comme le solo de guitare acoustique de Jean-Marie Canoville ! Dans un tout autre style, la soprano Graziella Roger apporte un joli "Ave Maria", la version de Gounod avec le "Prélude n°1" de Bach. Gwendoline Hue, toujours "enfantine", livre un "Chet Baker" moins acidulé que Vanessa Paradis, et Félix Moal y reproduit très bien le feeling Mathieu Chédid. Si l'on singe souvent les comédies musicales, Le Roi Soleil se voit complètement réhabilité grâce à Mégane Lelong et aux flûtes. Ah, la flûte ! Rebecca Contreiras aura su nous faire rêver sur le disque précédent, elle réitère de plus belle ici en devenant la seule soliste pour une certaine quantité de chansons. Ainsi le bucolique Ygrassil, mais aussi le Urban Trad comportent son empreinte, pour le meilleur. Urban Trad est le plus dense des titres chantés par des filles, et le plus solide grâce à ses vagues de synthé célestes, ou encore sa marche militaire finale aux sonorités métalliques. Vraiment fameux !

Dix ans qui ont vu un petit groupe de jeunes pousses devenir un rassemblement de talents, souvent grands et affirmés, pour une musique aussi diversifiée que vibrante. Et dites-vous que le meilleur reste encore à venir...

Note réelle : 4,5/5 pour le talent