De toute évidence, pour l'option MUSIQUE MILLET en 2023, les années Covid n'ont pas encore permis de réorganisation aussi vaste que la décennie qui a précédé. Pour cette nouvelle moisson encore, l'ensemble du matériel musical tient en un seul CD, avec une bonne partie de live et peu de chorale, mais enfin, tant que Vincent Lonjon tient les rênes, il n'y a pas de fine bouche à faire et on sait que du plaisir, on en rencontrera aussi, même sans rock progressif classique au programme !

Outre le Maestro, on retrouve le noyau dur de musiciens de l'année précédente avec Tinsae Seguin (un des 'vétérans' de l'après Covid, depuis 2011), Nathan Bled, Gabriel Jourdain, et d'autres un peu plus présents ici comme Sam Le Coutour ainsi que Lison Deluen. Il y a aussi, cette année, une batteuse, Emma Latirre ; grande première qui remontre, de mémoire et en espérant sans erreur, à Mégan Legeleux voilà une dizaine d'années, même si contrairement à miss Latirre, c'était alors quelque chose d'occasionnel.

Pas de rock progressif donc, mais le morceau le plus complexe pour débuter (même chose qu'en 2021), à savoir l'instrumental "Spain" de Chick COREA. Feeling jazz-rock/latin/fusion donc avec un bon groove plus ou moins maîtrisé par nos jeunes pousses lycéennes, une bonne partie du noyau dur justement. Chacun y va de son solo, Jourdain à la guitare, Latirre aux congas, Seguin à la batterie... Cela pourrait être meilleur bien sûr, il s'agit d'un style exigeant de musiciens rôdés à longue expérience, mais enfin, bravo pour cette récréation, seule du genre ici !

Pour le côté groove, on trouve néanmoins une sacrée surprise avec Stevie WONDER, pas moins de deux titres. "Sir Duke", l'hommage festif swing-funk à Duke ELLINGTON extrait de la période classique de l'artiste (Songs in the Key of Life) ainsi que "Master Blaster", le fameux reggae roulant qui lui a permis un bon passage aux années 80, même si pour des choses moins bonnes dans l'ensemble justement. Les deux titres nous permettent d'entendre la claviériste Lison Deluen justement mais au micro, avec un timbre particulier.

"La Rua Madureira" de Nino FERRER poursuit un peu le côté tropiques, avec la voix fine de Romane Henrion (la même que pour le "Cry Me a River" de la moisson précédente) et les congas franchement sympathique d'Emma Latirre encore, dans une ambiance grise seyante. Il y a aussi pour le coup, pas mal de nuages anglais parmi les plus admirables en termes de sélection avec "Eleanor Rigby" des BEATLES, par Lison Deluen et "Something" cette fois par Margot Frederick.

Si ces versions ont du mal à susciter la passion au-delà d'un sentiment attachant de base, on note pour la seconde, pas tout à fait du niveau d'Adrien Bousquet en 2010, au moins un peu de diversité avec le début ukulélé/new Orleans qui ensuite retombe sur la couleur normale. Notons ensuite la mélodie pas si évidente de "Berceuse Insomniaque", PARIS COMBO étant un autre ressort habituel de l'audace selon Musique Millet. Elisa Gonon s'en sort très bien de même que le ton clarinette/fanfare côtoyé par un esprit berceuse avec rythme martial et onirique.

Au rayon variété, Jacques BREL est cette année à l'honneur avec Romane Henrion pour "La Chanson des Vieux Amants", version plutôt belle et le duo "Le Plat Pays"/"La Valse à Mille Temps" en live par Enzo Leparquier. Sur la deuxième, si difficile, on remarque qu'il maîtrise mieux les refrains casse-gueule que les couplets plus tranquilles ! C'est de plus l'un des rares vocalises masculins à s'illustrer un peu.

Avec un Patricia KAAS ("Il Me Dit que Je Suis Belle") par Lola Pitrel à la voix joliment sensible (sans parler du très joli son clair de guitare) et un Loïc NOTTET ("Monsieur Madame") en live comme moment marathonien par Julia Sorin, la suite de la sélection est un peu plus convaincante. Et de nouveau sur le plan international, grâce à QUEEN, plus discret que d'ordinaire avec le choix bienvenu de "Somebody to Love", on se dit qu'on aurait aimé entendre davantage de miss Gabrielle Rivière, qui plus est avec la batterie de Latirre, la guitare de Bled, la basse de Seguin et les claviers de maestro Lonjon !

Sur le versant live/chorale, on déplore un peu l'aspect cuivres en plastique façon Stevie WONDER (et on remarque, du coup, qu'il n'y a pas un seul vrai cuivre cette année !) sur "Sunny Side of the Street", tandis qu'on retient surtout des "Joies Quotidiennes" ("My Favorite Things") les canons vocaux sympathiques.

"Le Tango de Massy-Palaiseau", choix toujours amusant concernant RENAUD tant ce titre certes rigolo est secondaire dans sa carrière, que MUSIQUE MILLET avait déjà repris en 2009, possède un bon tandem basse-batterie. Loin du morceau délire pour final (qui existe pourtant bien durant les concerts), le CD se termine avec un "Cancion Sin Miedo" pour le moins classieux avec chorale féminine sur trio de guitares hispanos (et un piano valsé) dans un esprit très mexicain. On parlait de drôle de choix, mais au moins, cela permet de concentrer l'attention jusqu'à la toute fin !

Cela étant, nonobstant le positif, MUSIQUE MILLET en a déjà fait de meilleurs sur tout l'ensemble d'un album. Certaines voix sonnent particulières et pourquoi pas, cela fait aussi la richesse, mais conjugué avec d'autres partis-pris (deux-trois morceaux d'un même artiste), l'absence de rock prog classique encore une fois tout de même ou alors de moments plus à la "Cancion Sin Miedo", entretiennent le sentiment d'un millésime moins mémorable hélas.