À partir de 2013, MUSIQUE MILLET, la fière équipe jeune de Vincent Lonjon et renouvelée, partiellement chaque année, sans plus rien ou presque en commun au-delà de trois ans, donne des noms à ses albums.

Diablouse ! est sans aucun doute une manière d'évoquer certaines parties de guitare fièrement tenue par Victor Vasselin et Lucas De La Rosa, deux des plus grands virtuoses en-attente-d'avoir-leur-bac parmi tous ceux étant passés par l'option musique de Cherbourg-Octeville. On parle ici bien sûr de "Misirlou" de Dick DALE & HIS DEL-TONES, emprunté aux musiques arabes pour devenir un des plus grands morceaux de surf-rock américain en 1963, utilisé pour la BO de Pulp Fiction en 1994. Reprise habile par des adolescents comme s'ils jouaient dans leur garage, sauf qu'ils sont en studio sous la direction d'Antoine Quoniam et du maestro Vincent Lonjon qui joue brillamment les descentes de piano répétitives. Pour le versant acoustique, dans l'effort commun Vasselin-De La Rosa, il y a le duo endiablé de guitares espagnoles "Diablo Rojo" (d'où le nom Diablouse !), emprunté à RODRIGO Y GABRIELA.

Une année d'instrumentistes ? Assurément. François Schaeffer le trompettiste déjà actif sur "Misirlou", n'est pas en reste lorsqu'il conduit une reprise sans chant du classique "Toulouse" de Claude NOUGARO. Même en n'étant pas fan de cette version personnellement, il faut avouer que l'originalité est de mise ! Et comme d'habitude, les moments progressifs, metal ou non, sont sujets à de belles prestations globales pour les groupes rock improvisés. Précisément, il s'agit de "Supremacy" (MUSE), chanté par la terrifiante (en termes de puissance et de technique) Suzie Loubar que l'on connait bien, et "In the Court of the Crimson King" des immenses KING CRIMSON, joué un ton au-dessus de l'original et qui permet à Maël Houbre d'officier dans un registre moins simple que l'année précédente. Peut-être pas les efforts les plus 'fous' commis par l'option musique en la matière, mais toujours un plaisir pour l'auditeur passionné qui s'adapte.

En metal, il y a aussi du plus humble avec un slow hivernal tel que "Somewhere", emprunté à WITHIN TEMPTATION, superbe en lui-même et grâce à l'harmonie nostalgique entre Gaëlle Lemaux et Octavie Jégoux, cette dernière s'envolant littéralement et nous coupant le souffle par la beauté de sa voix. Autres titres intenses en la matière : les interventions de Caroline Gasnier sur "Si je m'en sors" de Julie ZENATTI (malgré des rythmes déséquilibrés) et la reprise de "Skyfall" (ADELE pour le dernier film James Bond), ainsi que l'arrivée de Terri-Jade Nunn/Teejay aux côtés de Bastien Loir sur le très beau et pur "Come What May". Teejay qui compose "Try" ainsi que "Carpe Diem", deux chansons personnelles tour à tour au piano ou à la guitare et toutes à l'honneur de sa voix chaleureuse. Ces chanteuses d'or, du fait qu'elles sont en terminale, on savoure leur présence pour la dernière fois...

"Comme toi" donne l'impression d'avoir été réenregistré/chanté par le Jean-Jacques GOLDMAN de 1982 mais trente années plus tard, tant le timbre vocal est proche ! Stupéfiant. Comme d'habitude, on remercie les Bas-Normands prof et élèves de s'appliquer avec diversité. Néanmoins, et bien que ce disque ne soit pas mon préféré, il comporte l'un des moments de MUSIQUE MILLET les plus incroyablement forts : "The North Star Grassman and the Ravens", emprunté à Sandy DENNY (par l'intermédiaire du groupe YGDRASSIL), l'ex-chanteuse de FAIRPORT CONVENTION et la plus influente du folk anglais, bien que décédée au milieu des années 1970. Gaëlle Leconte (voix grave) et Marina Contal (voix aiguë) que l'on aurait vraiment beaucoup plus aimé entendre, s'allient pour ces quelques cinq minutes d'apesanteur musicale féérique, si incroyablement fortes qu'elles en sont impossible à décrire. Des années après, je ne m'en remets toujours pas, et la réécoute me procure toujours autant de frissons. Ce que peuvent faire deux voix féminines, un piano et un accordéon !

Dans la légèreté au contraire, ce millésimé 2013 permet de goûter à quelques idées piquantes de sympathie, telle une nouvelle version d'"Amado mio" de PINK MARTINI (déjà entendue en 2007) avec son piano en broderies, et surtout "The Color of You" (Lisa EKDAHL), chantée avec beaucoup de mignonnitude par Marie Léger (d'une autre force que sur le très touchant slow "Lonely" !), tous cuivres dehors et solo de sax à la fin. Même chose pour "Suzette" de Dany BRILLANT, avec Maël Houbre, tandis que plus loin côté chorale, le gospel traditionnel "I'm Gonna Sing" fait preuve des mêmes qualités. Par la fanfare, "Comment réussir quand on est con et pleurnichard" (musique d'Eddie VARTAN pour le film du même nom en 74, excellent élément du ciné-club français !) enchaîné avec "Hava Nagila" demeure une grande réussite, très bien coordonnée.

On retiendra moins de bonnes choses du côté classique et final de relâche/délirant. Pour ce dernier de toute façon, il est difficile de faire aussi bien que l'année précédente avec "Pokémon générique" et "Chihuahua", le top du top parmi les crus MILLET. "Freed From Desire" de GALA version chorale n'est pas dénué de qualités. MOZART quant à lui, voit quelques parties de son Requiem magique plus ou moins habilement restituées, mais la façon dont les voix s'entremêlent sur l'"Introït" et l'"Agnus Dei" marque joliment. On écoutera aussi agréablement "Browers Daughter" du compositeur irlandais Damien RICE, belle romance à l'ancienne, ainsi que le ton feutré et nocturne de "Smells Like Teen Spirit" de NIRVANA, version lente, lunaire et nostalgique.