Un an à peine après la sortie de son premier album, Ben HARPER confirme et s'affirme. Fight For Your Mind se fait, malgré la relative inexpérience de l'artiste, un album raisonnablement indispensable pour l'amateur occasionnel ou convaincu de la musique de l'Américain. En même temps que le jeune auteur-compositeur se dévoile à son public, de plus en plus nombreux, il se découvre lui-même, dans ses paradoxes et ses nombreuses facettes qui le composent. En résulte un album bariolé et foisonnant, riche d'une authenticité sans faille et d'une envie palpable d'apporter sa pierre à l'édifice.

Si Ben HARPER reste, comme sur son premier album, un artiste solo, il commence à s'entourer peu à peu de ces musiciens qui allaient pendant plusieurs années constituer l'ossature de son backing-band, les Innocent Criminals. Arrive ainsi Juan Nelson, dont la basse ronde et pleine se fait sautillante ou lancinante, selon l'humeur des compositions. Celles-ci se font toujours aussi variées, allant du folk au funk, en passant par le reggae, le rock et le gospel. L'ensemble se fait néanmoins cohérent et homogène, lié par un dénominateur commun, à savoir le talent d'un Ben HARPER dont les capacités créatives fonctionnent alors à plein.

De ce Fight For Your Mind, certains ne retiennent que cet hymne à la fumette qu'est « Burn One Down », titre reggae enjoué dont le « riff » acoustique évoque le maître Bob Marley, fort apprécié par l'artiste américain. Ce sera la seule fois dans sa carrière que Ben HARPER se fera laudatif pour parler du cannabis, préférant par la suite adopter un ton plus neutre, moins partisan. Pardonnons-lui donc ce léger défaut de jeunesse, dû à un enthousiasme palpable. Se fixer sur cette légère incartade serait amoindrir l'impact thématique des autres morceaux, eux-aussi pour la plupart engagé et conscientisés, à l'image de ce « Excuse me Mr. », qui montre Ben HARPER sous un jour nouveau : celui du poète ancré dans son époque, porte-parole des sans grade. La ballade folk « Give a man a home », respectueuse et mesurée, appartient elle-aussi à cette catégorie des titres empreints d'un sens profond et marquant qui peuplent l'album.

Sans faire la démonstration gratuite de ses capacités vocales et guitaristiques (certaines mélodies à la Weissenborn sont à se damner), Ben HARPER livre un collection de morceaux variés et forts d'un savoir-faire déjà grand : le riff funky-rock mordant et syncopé de « Ground on down », la beauté pure et quasi-célèste de la ballade épique « Power of the gospel », qui tend, comme en témoignent ses paroles, vers une certaine vision du divin, ou l'intimité procurée par une autre superbe ballade, « Another lonely day », donnent l'impression d'un artiste accompli, malgré une certaine humilité. Inspiré par ses tournées, en première partie de jam-band de James Matthews, lui donnent l'envie de proposer une longue pièce marqué par une remarquable improvisation de Weissenborn, « God fearing man », teintée elle-aussi de connotations religieuses.

Fight For Your Mind contient, preuve de sa qualité, un nombre important de titres encore interprétés aujourd'hui en concert par Ben HARPER. Varié et surtout inspiré de bout en bout, ce deuxième album se fera le moteur d'une première partie de carrière flamboyante pour l'artiste américain.