Le succès du premier opus des LEVEL 42 est tel que les gars de Polydor - grands philanthropes - se disent qu'il y a du blé à faire avec ces petits jeunes ! Du coup, on ressort les fonds de tiroir, soit les premiers enregistrements du groupe. Evidemment, on va être surpris à l'écoute de cette livraison. C'est sophistiqué, mais fort loin de tout élan commercial et donc new-wave. Les gars s'en donnent à cœur joie et alignent les longues tirades instrumentales, avec un plaisir non dissimulé. Attention, les bassistes vont en prendre plein la gueule, croyez-moi ! Ce diable de Mark King en fait des tonnes avec une énergie et un sens inné du positionnement.

Seule la moitié des titres comporte un chant. C'est avec "Love Meeting Love" chantée par King que les jeunes britanniques espèrent percer dans le billboard. Un piano simple, un beat disco, une chanson qui se veut dansante, mais la voix de Mark manque singulièrement de relief pour le moment. On le retrouve sur "Autumn" en plus funky, mais la quatre cordes confisque carrément le titre. La voix de Mark semble du coup toujours un peu juste, et elle est mixée trop en arrière. Le jeune chanteur n'est pas encore confiant, on le sent. Le second single "Wings of Love" se veut sans doute plus commercial, peu brillant, et aurait souhaité percer sur les dancefloors, c'est l'évidence. Le chant de Mike Lindup y est assez banal. Lui non plus ne prend pas encore la mesure de ses capacités, même si le refrain en falsetto laisse imaginer un futur sympa. Enfin "88", chantée par les deux en harmonies, propose plus d'originalité et baigne dans un climat dance très sympa aux tendances presque world.

Sinon, de l'instrumental dans tous les sens, allez c'est parti ! "Sandstorm" ouvre les hostilités et déjà ça ne rigole pas. Tentez donc de la faire à la King, vous verrez c'est pas simple. Ce mec a un sens du groove et un pouce diabolique. En fait, la mélodie importe peu puisque nous sommes sur des terrains beaucoup plus proches d'un prog démonstratif à la YES qu'autre chose. On vous dirait, c'est Chris Squire ou Geddy Lee, personne ne trouverait à y redire. Quelle claque, nom de Zeus ! Les autres ne sont pas en reste et drivent la musique avec une aisance consommée. "Theme For Margaret" expose une basse aussi démente. Les claviers enrobent le titre sur une ambiance que RUSH n'aurait pas reniée à sa grande époque. Par moments, on part sur des digressions presque free. Ça cartonne grave ! "Woman" nous plonge dans un presque copié-collé de "Wings of Love", un peu de redite donc. Mais en instrumental, pas génial. Enfin, "Mr Pink" mets en avant la gratte du frangin Boon, mais pas longtemps : la basse nucléaire de King prend rapido le contrôle de la chanson. Dur d'être le gratteux dans LEVEL 42 !

C'est clair, ce n'est pas un album à conseiller à tout le monde, mais si vous êtes bassiste ou que vous aimez les énormes rythmes mégabass, vous serez comblés par la plupart des portions instrumentales ici présentes. La genèse de LEVEL 42, étonnante quand on considère la suite de la carrière des sudistes Anglais. De la musique pour les bassistes en long en large et en travers. Attention danger ! Dire que ces mecs vont devenir les fers de lance de la new-wave pop funky !