A la base, une amitié solide unit les deux frêres Gould - Phil à la Guitare et Boon à la batterie - au blondinet Mark King, musicien tout court - et quel musicos ! - de son état. Tout ceci intervient dans le sud profond de l'Angleterre, sur l'île de Wight. L'adolescence passe ainsi, au son de JARRETT, MCLAUGHIN ou Miles DAVIS. Des gigs dans les groupes les plus divers, les gars se font la main sur une musique qui doit beaucoup au jazz et à la fusion en général. A la fin des seventies, ils écument les circuits des bars londoniens, et c'est la rencontre avec le clavier Mike Lindup qui précipite la création de LEVEL 42 - les lecteurs de Douglas ADAMS apprécieront -. Cette époque voit d'ailleurs Mark à la batterie, Boon à la basse avec le Dominic Miller de STING à la gratte. Drole quand on y pense.

Alors, quand les affaires sérieuses commencent, c'est le moment où la new-wave attaque sa deuxième phase au début des eighties, et le groupe trouve une fusion parfaite en adaptant ses compositions souvent mi-jazzy mi-funky à des structures et gimmicks louchant vers la new-wave. Une sacrée performance que peu ont tenté. Toute cette agitation nous donne ce premier album éponyme, agrémenté du dessin de la Princesse qui deviendra leur logo officiel. La maison de disque leur demande cependant de faire un premier album autre qu'instrumental. Du coup, Mike et Mark s'engagent sur la voie du chant, avec déjà l'ébauche de complémentarité qui les unira pour le plus grand plaisir de leurs fans. Pour continuer dans la logique, ce sont les frérots Gould qui écrivent les paroles et les chanteurs la musique. Arf !

Et nous voilà avec un premier album tout beau, tout chaud. La seconde vague déferle et les sudistes sont bien motivés pour y participer. C'est "Lovegames" qui lance la carrière des Anglais dans les charts. La voix de Mark passe bien, la compo est représentative de leur style avec l'intervention en falsetto de Mike sur le refrain. Petit lick de synthé dansant, énorme basse vrombissante et groovy, voilà la recette. Puis, c'est au tour de "Turn It On", plus orientée fusion, à l'identité fort ensoleillée et plus funky. J'aime beaucoup et le genre n'a pas pris une ride. Le troisième single, "Starchild", aux gimmicks quasiment synth-pop nonobstant la qualité inhabituelle des musiciens, est carrément chanté par Mike.

Signalons sans plus attendre le cas du français Wally Badarou qui participe au processus d'édification de l'album, qui trône dans les crédits mais n'est pas un membre à part entière de LEVEL 42. Cela va durer. "Heathrow" est une de ses compos, on a peu de doutes sur les qualités du bonhomme, un digne émule de Herbie HANCOCK.

Le slap de King drive "43" de bout en bout dans une certaine fièvre qui n'est pas sans rappeler les ténors du prog et du jazz funk. Et "Why are You Leaving" alors ? Quelle maestria ! Un toucher magique, une capacité à la 'classe' indéniable. Il nous reste le "Dune Tune" de Mark pour en finir. Un monologue de basse impressionnant - pour changer -, le titre est super cool, mais la basse le rend sophistiqué, malgré une simplicité de prime abord évidente. C'est la grande force des compos de King, qui lui permettra de ratisser large dans le public de la nuit.

Au final, c'est un premier album plein des qualités que nous nous attendions bien à voir sous la plume des 4 grands Bretons. Un début de carrière sous les meilleurs auspices, on voit mal comment le groupe n'arriverait pas à transformer cet essai prometteur. A suivre !