Après la sortie de Strategy en début d'année, LEVEL 42 reprend le cours de son évolution avec ce troisième album en 2 ans. Les mecs ne chôment pas ! Le style puriste pratiqué par le groupe prend un peu de plomb dans l'aile à cette occasion. Les quatre potes de l'île de Wight restent avant tout d'excellents musiciens, on ne devient pas manchot du jour au lendemain quand on s'appelle Mark King, mais la musique s'infléchit vers un style moins jazz funk, reprenant les éléments auparavant déployés par IMAGINATION en Angleterre. Le son s'enrichit au niveau de la production, on navigue vers du funk typé dance floor, ainsi que vers un premier mix sérieux de new-wave, courant auquel le groupe finira par appartenir. Le français Wally Badarou -crédité sur 3 compos- est toujours là, même si pas encore considéré comme membre à part entière du groupe.

"Are You Hearing" sort peu avant l'opus, titre enjoué mais qui ne me convainc pas malgré une carrière honorable dans les charts. Il faut donc écouter le single suivant "Weave Your Spell" pour constater que les choses changent : la basse est légèrement plus discrète, les vocaux en falsetto de Lindup règnent en maître sur les refrains et les bridges. Nous sommes dans la continuité logique du premier album. Alors, c'est certes un peu moins démonstratif, moins dithyrambique au niveau de la basse, mais il fallait cela pour détendre les nerfs des auditeurs. Comme toujours, trop de technicité tue les singles. Mark King a donc accepté - ou revendiqué, allez savoir - de ne plus être en soli toute la sainte journée pour jouer des portions de basse plus mainstream. Pourtant, le dernier single "The Chinese Way" est drivé par une ligne de basse gargantuesque, le mignon refrain permet toutefois à la song d'atteindre la 24ème position du billboard.

Cela dit, la basse nucléaire est toujours de la partie ainsi que certaines portions quasiment jazz prog comme sur "The Pursuit of Accidents", ce qui n'empêche nullement la mélodie de briller de mille feux. "Shapeshifter" nous ramène à des considérations jazz fusion. C'est cool et d'une douceur étonnante quand on connaît la puissance habituelle de la basse de King. "Eyes Waterfalling" confirme que le groupe n'est pas encore prêt à vendre son âme, car voilà un vrai titre de jazz funk, même si l'ambiance peut évoquer certains titres de POLICE.

"Last chance" entérine la recherche du groupe vers un son plus commercial. Difficile quand on est un vrai musicien de faire preuve de retenue et de recul pour analyser ce qui va plaire au public. Le résultat, agréable sans être transcendant, contient les trademarks habituels de LEVEL 42. "You can't blame Louie" est l'étape suivante de cette recherche. On atteint la pop. Une pop de qualité, sans prise de tête, au refrain particulièrement jouissif. Par instants, le titre fait même penser aux ricains de HUEY LEWIS AND THE NEWS.

L'évolution est saine, sans doute inéluctable vers des horizons plus mainstream susceptibles de les amener au sommet des charts. De la musique de belle allure, des musiciens aux capacités rares. Mark King devant derrière, au four et au moulin, toujours aussi impérial au chant comme à la basse. Malgré sa durée un peu courte, voilà une petite gourmandise bien sympa !