De quoi CALI parle-t-il réellement au moment d'aborder le thème des Choses Défendues qui donnent leur nom à un morceau ainsi qu'au septième album d'un artiste qui ne laisse personne indifférent ? Pense-t-il réellement, comme il le prétend, à ces 400 coups formateurs et finalement bien inoffensifs qu'il a réalisés durant son adolescence ? Une fugue amoureuse de plusieurs semaines, notamment, semble avoir constitué une source d'inspiration non négligeable pour ce nouvel opus. Mais si, en parlant ainsi de ces choses défendues, l'artiste évoquait à demi-mot une certaine audace qui est celle de mêler au sein d'un même album résonances folk et sucreries pop, rugosité électro et lancinance rock ?

Cet album, s'il renoue textuellement avec les ambiances de l'Espoir (2008), marque une certaine rupture musicale. Les loops électro de l'introductif et urgent "A cet instant je pense à toi", capté en une prise, en témoignent. Tout en restant fidèle à ses racines, CALI évolue et dépasse dans ce nouvel opus le folk-rock des trois albums précédents pour oser une musique qui séduit ou agace. J'ai choisi mon camp. L'Âge D'or n'est pas si vieux, mais il semble que l'artiste avait nombre de choses à dire, et il nous les livre au détour de 14 titres bariolés et surprenants. Moins intime que son prédécesseur, Les Choses Défendues est l'instantané d'une carrière qui a semble-t-il trouvé son rythme de croisière. Les surprises, mesurées, ne changent pas la personnalité de l'artiste. Les sonorités pop guillerettes de "I Want You", la rythmique saccadée, électro, de "La femme qui t'aime", restent sous la jauge des trois minutes et constituent plus un happening que le début d'une nouvelle orientation musicale.

Le rock reste au coeur des débats et rien n'est plus beau que le rock de CALI lorsqu'il est mâtiné de folk et de la sensibilité à fleur de peau de ses mots. Dans la ballade "Annie Girardot" le chanteur se revoit gamin, peu après les funérailles de sa mère, admiratif d'un père dont la gueule de Lino Ventura n'empêchait pas de chaudes larmes de couler sur ses joues. Un piano, une guitare acoustique et un harmonica donnent à "Elle a mal", titre poignant qui dénonce la violence faite aux femmes, des airs de "The River". SPRINGSTEEN n'est pas loin. Et puis, il y a au final la force du piano délicat de "Montreal 4 am", sans-doute le titre le plus minimaliste et puissant, le chanteur se faisant plus fragile que jamais avec ce conte social désespéré comme seul lui semble capable d'en écrire sur la scène français actuelle.

Plus convenus, le morceau-titre "Les Choses Défendues", "I Want You", "Sweetie" (qui s'avère, selon l'état d'esprit, une bluette amoureuse ou un titre plus profond traitant du cas des migrants), et le folk léger de "Tout va recommencer" (agrémenté d'un violon dansant) s'inscrivent dans la droite lignée des réalisations précédentes de l'artiste. A défaut de surprise, on (re)trouve ici tous les ingrédients qui donnent à la musique de CALI une ambiance unique et délectable.

Il n'y a peut-être pas, dans ce nouvel opus, de "GRAND" morceau comme pouvaient l'être "Je rêve de voir l'été" ou "l'Âge d'Or", mais il y a là un ensemble de titres inspirés et savamment construits qui font honneur au patrimoine musical résolument délectable de l'artiste qui a, et c'est tant mieux, cessé de se faire moraliste pour parler uniquement des sentiments, de la vie et de ses méandres. Un artiste de l'épiderme, et un septième opus qui ressemble fortement à une splendide mue.