Tout est dans le "presque". On avait presque perdu CALI avec le médiocre autant qu’électronique Cavale. On avait presque tenu pour acquis sa musique à fleur de peau, presque considéré que parler d’amour était chose futile. Nous avions presque égaré le CALI que l’on aime, tout comme ce nouvel album s’est presque égaré dans les bacs des disquaires. Un malheureux accident industriel, et voici en effet que les fans des WAMPAS se sont retrouvés avec la voix de Bruno Caliciuri dans leurs esgourdes au moment de découvrir le nouvel album de leur groupe fétiche. Une fâcheuse méprise de la part du fabricant, qui a interverti les pistes des deux albums. "C’est comme si quelqu’un avait échangé les bébés à la maternité", confie le chanteur assez déçu de voir ses nouveaux morceaux envolés dans la nature deux semaines avant la date de sortie officielle de ce nouvel album.

Qu’il se rassure, ce dixième album, enregistré dans son studio fétiche des Fauteuils Rouges à Rivesaltes, va trouver son chemin, en éclaireur. En effet, suffixé de la mention "Vol. 1", Ces Jours Qu’on A Presque Oubliés aurait pu être un double-album, mais sera finalement livré en deux parties. "C’est un peu compliqué de nos jours sur le marché du disque", déclare l’artiste désabusé. "Quand je vois la manière dont les gens consomment la musique. On passe beaucoup de temps sur un album et puis tout dépend d’une seule chanson bien souvent."

Un premier volet qui, comme son successeur, a été enregistré sur le vif. Une prise ou deux, au maximum, le micro à un mètre, pour saisir l’instant. Non pas l’urgence, mais pour capturer un état donné, une sensation brute, comme un retour aux sources. Illustré par un clip haletant, tourné dans les Pyrénées-Orientales, et notamment à Vernet-les-Bains, ville chère au cœur de CALI, le premier morceau "Lâche Pas" est remarquable de puissance et de beauté pure. Une section rythmique, un piano, une guitare sèche, et ce violon incroyablement beau du camarade Steve Wickham (The WATERBOYS) qui habille avec classe et pertinence la voix intense du chanteur. Nous sommes ici loin de l’exubérance de "1000 cœurs debout", mais il y a une ambiance de CALI "à l’ancienne" que l’on ressent un plaisir presque coupable à savourer. Véritable immersion dans des moments forts vécus avec des êtres chers, souvent des femmes, parties, quittées, envolées, ce nouvel album se veut simple dans la construction, mais se fait fort et pertinent dans l’interprétation. Si les mélodies pataudes de "Hey les amoureux" ne sont pas les plus intéressantes composées par l’artiste, l’auditeur trouve largement ensuite de quoi se contenter : les ambiances country-cajun de "Pobrecita", les ballades folk, résurgences intimistes, de "Je serais là", son violon irlandais, ou "T’es où Lili", qui évoque les vieux SPRINGSTEEN. Splendide.

L’entreprise minimaliste de CALI est bluffante de sincérité et de beauté. Le piano, instrument qui se marie fort bien à la voix du bonhomme, se fait rare mais pertinent sur « Où vont-elles » tandis que le violon, encore lui, flamboie sur "Alain Souchon", tendre hommage sous couvert d’anecdote pour l’auteur du "Baiser". Les guitares, captées sur le vif, grincent parfois, notamment sur "Comme un avion", dont certaines intonations peuvent évoquer le titre "La fille qui m’accompagne" de CABREL. Mais cela rajoute à la vérité, à la transparence totale de l’artiste qui propose ici un album sur lequel l’amour, toujours lui, côtoie la tendresse, la bienveillance et la mélancolie. La tristesse, lorsqu’elle se manifeste, ne se vit pas seul dans le froid, mais au coin du feu, dans une ambiance enveloppante. On la retrouve ainsi, presque comme une amie, sur le morceau final "Et les larmes tombent sur mes manches", ballade mêlant piano, guitare et voix dans une tendre alchimie, que vient compléter une nouvelle fois un violon splendide et aérien.

CALI repose avec Ces Jours Qu’on A Presque Oubliés les bases de sa musique, une volonté farouche de la reconstruire autour de l’essentiel. Ce faisant, l’humilité instrumentale qui en découle offre un socle parfait pour des textes qui, parfois très personnels, résonnent de manière universelle, chacun pouvant y trouver des sentiments éprouvés, l’amour d’un être cher, la tristesse d’une disparition. Un retour en grâce pour un projet dont on espère rapidement découvrir le deuxième volet.