Que vaut SONIC YOUTH en 2006 ? L’époque voit alors les médias "hype" redécouvrir le garage rock. Un SONIC YOUTH est vu par conséquent comme une sorte de dinosaure underground des eighties. Il faut dire que les membres sont loin d’être des jeunots justement, la moyenne d’âge doit dépasser les 45 ans. SONIC YOUTH, on le rappelle brièvement, c’est le groupe le plus influent des scènes indie rock, noise et grunge des années 90. De NIRVANA à TORTOISE en passant par PLACEBO ou UNSANE, tous ne jurent, durant ces remuantes années, que par le combo new yorkais le plus zélé depuis le VELVET UNDERGROUND. Entre 98 et 2006, le groupe a surtout évolué dans la scène "fourre tout" dite post-rock qu’il a largement influencée, avec la présence de l’étrange artiste d’avant-garde Jim O'Rourke (Ex BRISE GLACE). Mais cette éminence grise (le fameux cinquième membre) quitte la jeunesse sonique en 2005 pour se consacrer à une carrière plutôt cinématographique et à des expériences plus hermétiques.

En 2006, le quatuor cherche l’inspiration et la trouve en revenant à des sonorités plus directes. Adieu les expérimentations planantes et jazzy caractérisant les dernières œuvres, quoique. Les membres reviennent d’abord à ce son typiquement années 90, qui ravissait les fans de groupes comme DINOSAUR JR, SEBADOH ou PAVEMENT. Ces derniers devraient en effet apprécier les compos de ce disque, que l’on situerait rapidement entre le Lou REED (du moins sa facette "folk urbain mélodique") des grandes heures et le noise rock cramé. Le compositeur principal, ce grand échalas qu’est Thurston Moore (fan devant l’éternel de free jazz et de black metal) a voulu revenir, selon ses dires, à des titres plus simples.
Enregistré en moins de trois mois, dans un studio de la grosse pomme, sous l’égide du producteur John Agnello, recommandé par leur pote, le très lymphatique J. Mascis, leader de DINOSAUR JR. Alors tout mou l’album ?

Loin de là.

De la dissonance, tu en as mon pote bruitiste ! En témoignent, à l’intérieur des différentes pièces proposées, d’excitants roulements d’une batterie tribale (débuts de "Reena", "Sleeping around"), des guitares puissantes ("Incinerate"), de la rythmique grungy ("Sleeping around"), de la no wave minimaliste ("Do you believe in rapture"), des embardées psyché /noise ici et là, des délires indus ( flagrants sur le tordu "Rats"). Sauf que le tout baigne dans une atmosphère psychédélique (qui évite le revival sixties de la période qui pointe son nez) et planante, qui est la marque du groupe depuis le très référencé "Daydream nation". Le côté poppy, virage du quatuor depuis l’excellent Goo, se fait également sentir. "Incinerate" sonne presque comme un petit hit de rock alternatif.

L’ossature est surtout constituée de ballades velvetiennes (le très beau "Do you believe in rapture"), surtout celles chantées par Kim Gordon (défintivement la NICO des années 90) dont les vocaux sont à la fois sensuels et inquiétants. "Rats" flirte même avec une ambiance shoegazze à la JESUS AND MARY CHAIN.
Le must revient sans contestation possible au dernier morceau, le dissonant "Helen lundeberg" qui rappelle un peu l’esprit arty de la genèse de cette ancienne jeunesse sonique. A la réécoute, on est peut-être loin du nihilisme de "confusion is sex", du "hawkwinien" "Daydream nation" ou du varié "Goo" mais dans cet opus proposé il y a certainement plus d’idées que dans les discographies des suiveurs de la bande à Kim. Plus déchiré que mainstream en tout cas.