Quarante ans après, j'ai encore en bouche le goût amer de la déception ressentie à l'écoute de cet album. Non pas qu'il soit totalement et irrémédiablement mauvais, mais le disque correspondait tellement peu à ce que les fans voulaient entendre en 1984, que le temps n'a pas pu panser cette plaie encore vive.
Remettons-nous dans dans le contexte : SATAN JOKERS, fort d'un très réussi premier opus, apparaissait comme de sérieux challengers pour TRUST (déjà en déclin) dans le paysage Hard & Heavy national. Le potentiel pressenti du groupe était tel que pour ce second album tout le monde s'attendait à une tuerie.
Inutile de vous décrire la consternation ressentie à l'écoute de "Pas fréquentable" qui ouvre l'album ! Et attention, on ne parle pas ici de Hard FM ou d'AOR comme certains ont depuis tenté de réécrire l'histoire, c'est bien de variété dont il s'agit, et ce constat concerne pas moins de quatre titres sur les neuf de l'album (en y ajoutant "Infidèle", "Trop fou pour toi" et le sirupeux "Par habitude"). Non pas que ce genre soit intrinsèquement indigne, mais c'est précisément celui dont nous étions alors abreuvés dans tous les médias et lieux publics, raison pour laquelle les hardos s'étaient construits en marge de ce courant dominant et souvent honni.
Et que dire des cinq autres morceaux ? Ils sont nettement moins bons que ceux du premier opus, aucun n'y aurait eu sa place, je pense. La partie instrumentale de "La marche hérétique" est sympa (notamment la section rythmique") et "Envie de toi" aurait pu déchirer sans ce son de guitare caverneux, le chant approximatif (Renaud Hantson s'en sort néanmoins nettement mieux que son comparse) et le texte.
Rayon chant, celui de Pierre Guiraud gâche totalement "Adrien" et "Bienvenue au sabbat", avec une étonnante absence de mélodie et un amateurisme confondant, alors que "Vices privés" n'a presque aucun intérêt.
Le pire reste néanmoins le sentiment que le talent était encore là mais la cible bien mal choisie : les quatre titres variété ont certaines qualités qui se seraient bien mieux épanouies dans un autre contexte, et l'alternance avec les titres heavy est particulièrement indigeste.
Un mot au sujet des textes : oscillant entre le satanisme de pacotille, le salace à la limite de la pornographie et la frime totalement premier degré, ils sont globalement indigents et quasi insupportables.
Je réfute enfin l'alibi maintes fois martelé d'une absence d'ouverture d'esprit des fans, de l'ostracisme envers les groupes français ou d'un 'avant-gardisme' mal compris : on n'a jamais raison contre son public et la sanction commerciale est la meilleure et douloureuse réponse qui ait pu être apportée au débat.
Personne d'ailleurs n'avait envie de privilégier les artistes étrangers, si ce n'est pour la qualité de leur musique, rappelons que la même année sont sortis (entre autres) : Powerslaves, Defenders Of The Faith, Ride The Lightning, 1984, Perfect Strangers, Hail To England ou encore Rising Force. Difficile de lutter.
C'est donc une mauvaise blague que nous ont faite les JOKERS avec ce second opus clairement hors-sujet, un auto sabordage en règle qui sonna finalement le glas des espoirs des frenchies, malgré le sursaut qualitatif du disque suivant.
Et un amer et tenace sentiment de gâchis que la 'seconde carrière' du groupe ne viendra que très légèrement adoucir.
Allez, je vais être sympa avec un 2.