Cinq années après le décès du bassiste Laurent Bernat et vingt quatre ans après la sortie de III leur dernier album studio en date, l’avenir de SATAN JOKERS semble voué à ne se conjuguer qu'au passé. Pourtant la présence au sein de la compilation Hardcore collectors (2008), d’un inédit et d’une version réactualisée de "Sorcier", initialement paru en 1985 pouvaient laisser espérer un regain d'activité au sein du groupe. Et ce même si le départ de Laurent Bernat et la décision inflexible de Pierre GUIRAUD de ne plus se frotter à la scène Metal ne nous laissaient que peu d'espoirs.

Et pourtant voilà que nous arrive ce [SJ 2009 !
Alors, que penser de cette démarche, qui vise à sortir un album sous le nom d'un groupe dont seul un seul membre reste présent ?
Le choix fait par Renaud HANTSON de publier ce disque sous le nom de SATAN JIKERS, alors qu’il lui était aisé de le sortir via un de ses autres projets, est un risque immense ! Il y avait, à mon sens, bien plus à perdre qu'à gagner, dans cette démarche. L'enjeu est en effet double : Il faut que l'album soit apprécié, non seulement au regard de ses qualités propres, mais également au regard de l’héritage dont il est porteur. Impossible de faire table rase du passé si l'on veut se prévaloir du nom de SATAN JOKERS.
Et force est de constater que le pari est plus que gagné. La majorité des titres est soit tout bonnement excellente à l’image de "Union Sacrée des Assassins", "Indien de demain", "Mouroir", "Silicone Baby" ou "Professionnelle", soit très bonne ("Ma Guitare", "Combat", "Paris Nuit"…). A on sens, il n’y a guère que "Voodoo", "Addiction Souffrir avec elle" et "Electrique" qui sont d’un niveau moindre. Sans pour autant être mauvais.

La cause est a trouver dans un son moderne et puissant qui permet à tous les instruments de briller. Mais aussi dans des compositions qui se révèlent très inspirées (mention spéciale au rapide et efficace "USA - Union Sacrée des Assassins") et variées. A cela s'ajoute une interprétation époustouflante de qualité.
Mais, et c’est là que le bât blesse un peu. On ne retrouve pas la folie et la technicité de la section rythmique historique. Que l’on ne se méprenne pas, Renaud HANTSON (en tant que batteur), Joe Steinmann (Batterie, Furious Zoo), Marc Varez (Batterie, ex Vulcain, Blackstone) et Pascal Mulot (Basse) sont très efficaces. Mais ils sont d’une sobriété qui ne correspond pas au style flamboyant de SATAN JOKERS. Pascal Mulot notamment, que l’on a connu exubérant en solo, est étonnamment mesuré et sobre. Presque aucun solo, aucun break, aucun contre rythme à l’horizon. Il en va également de la voix de Renaud HANTSON. Rien, à redire en terme de puissance et de hargne, le bougre a du métier et est visiblement toujours animé par la passion. Mais la folie propre à Satan Jokers est un peu absente.

De manière surprenante, il en est tout autrement avec les guitares. Alors que celles-ci n’ont jamais été le point fort du groupe, nous avons ici droit un festival. Que ce soit au niveau des rythmiques, agressives ("200 Chronos") et précises, des chorus et des riffs qui savent se montrer tour à tour originaux (mention spéciale à "Indien de demain" et ses sonorités étranges) et séduisants ("Unions Sacrée des Assassins", "Mouroir") et des soli très techniques. Olivier Spitzer (Ex STRATORS, FURIOUS ZOO) et Michaël Zurita (TAI PHONG, GOGOL 1er, ANYWAY) ne ratent pas une occasion de faire montre de leur talent. Stéphane Bonneau, le guitariste historique de Satan Jokers, est crédité sur trois titres, "Union Sacrée des Assassins", "Sorcier remix 2008" et "Ma Guitare". Sympathique certes, mais il serait exagéré de dire que ses interventions transcendent l’album, même s’il n’apparaît que sur de très bons morceaux.

Comme il le faisait avec Pierre Guiraud dans les années 80, Renaud HANTSON partage le chant avec Zouille (Didier Augustin, alors ex & bientôt futur chanteur de SORTILEGE) sur "Indien de demain". Si c’est un réel plaisir de voir ces deux « monstres » du Hard Rock français mêler leur talent sur ce très bon titre, il n’en reste pas moins que la rugosité du chant de Pierre Guiraud et les modulations dont HANTSON était coutumier sont ici aussi un peu absentes. De plus, cette association n’est pas sans rappeler FURIOUS ZOO, l’autre groupe de Renaud HANTSON, au sein duquel Zouille intervient parfois. Zouille assure également les chœurs, avec Olivier Del Valle (SHANNON) sur plusieurs titres.
Au niveau des paroles il n’y a pas grand-chose à dire, le style propre à SATAN JOKERS est bien respecté. Le groupe nous gratifie de textes dans la plus pure tradition du Bouffon diabolique. Ceux-ci allient, avec bonheur originalité, douce provocation et cette petite touche de facilité/puérilité qui concourt au charme du JOKERS.
L’album se clôt avec la nouvelle version d’un titre tiré de l’album III "Sorcier Remix 2008", déjà présent sur Hardcore Collectors. Alors que l’exercice est des plus périlleux, le groupe s’en sort assez bien en faisant le pari de la modernité avec un tempo dansant et des sonorités très actuelles Surprenant, mais plutôt réussi.

Alors, que penser au final de la réunion de cette « Dream Team » qui réunit des ex membres de SATAN JOKERS, SORTILEGE, VULCAIN, STRATORS, RONDAT... mais qui ne comprend guère plus d’un quart du line up originel ?
Le résultat est assurément une belle réussite ; l’album est riche, varié, puissant et inspiré. Sauf que sortir celui-ci sous l’étiquette SATAN JOKERS ne semblait, alors, pas des plus judicieux. Si sur de nombreux points (textes, structures de certains titres, importance du chant…) le disque présente incontestablement une filiation avec ses prédécesseurs, il manque un peu de cette folie et de ce côté progressif que l’on pouvait trouver dans l’album III. De plus, si l’on peut considérer que les guitares sont une réelle progression par rapport au passé, la section rythmique fait moins rêver et le chant moins voyager. Mais arrêtons de chipoter, l’album est tout simplement (très) bon et présente certainement le meilleur compromis possible entre nostalgie et modernité. Et si l'on se replace dans la perspective de ce qui va suivre, le nom de SATAN KOKERS s'imposait clairement pour ce disque. Renaud HANTSON a réussi à éviter le piège du retour poussif en nous proposant là de quoi croire en un avenir plus que crédible…
Tout comme Zouille avec SORTILEGE quelques années plus tard, il a su s'entourer des personnes adéquates et faire preuve d'une volonté de fer, pour revenir comme un roi. Chapeau bas !