Il en va des reformations comme des vins anciens : leur goût peut passer ou ils peuvent se bonifier avec le temps. Dans le cas de SATAN JOKERS, il ne fait aucun doute que le retour aux affaires a été plus qu'heureux et prolifique. En effet, depuis sa reformation en 2009, le bouffon démoniaque n'a pas chômé en sortant pas moins de cinq albums studio. Et comme une nouvelle ne vient pas seule, cette boulimie artistique s'est exprimée avec talent et réussite. Avec notamment pour point d’orgue la bombe Heavy mélodique que fut Addictions (2011). A l'occasion de la sortie de Sex Opera, le groupe a communiqué sur le fait qu’il s’agirait probablement de son ultime album, ce qui semble bien être le cas, Symphönïk Kömmandöh ne pouvant-être considéré comme un album orignal.

Alors que penser de Sex Opera qui succède à une floppée de très bons albums ?
Au niveau de la quantité, il faut reconnaître que le compte y est : au-delà des dix-huit titres qui composent ce disque, on peut également trouver un film d’une heure et demi, La grande illusion qui retrace la carrière de SATAN JOKERS depuis ses débuts avec notamment des interventions de Pierre Guiraud, l'un des deux chanteurs historiques, ce que l’on n'espérait plus. Si le film peut être considéré comme relativement anecdotique pour toute personne ne connaissant pas le groupe, il constitue pour les fans de la scène Hard-Rock française un témoignage intéressant et touchant. Le documentaire est très bien construit et complet, même si on ne peut que regretter un montage un peu racoleur qui utilise parfois les mêmes séquences plusieurs fois.
Pour ce qui est de la qualité, Sex Opera répond également présent, bien qu'il ne soit pas aisé de passer après des albums aussi bons que Fetish X, SJ 2009 et Addictions. A ce titre, Sex Opera n'a absolument pas à en rougir. Il se place un peu dans la continuité de Psychiatric et propose des compositions solides, interprétées par des musiciens de premier ordre ayant une forte exigence artistique avec en plus une grande variété des styles allant du Heavy le plus dur à des morceaux lorgnant plus vers la Variété ou le Cabaret.
L’ambition artistique est toujours bien présente puisque l'album se veut être le dernier volet d’une trilogie basée sur les errances de la raison : l’addiction à la drogue (Addictions), les déviances psychiatriques (Psychiatric) et enfin les perversions sexuelles (Sex Opera). Elle s’appuie sur des musiciens qui maitrisent totalement leur art. On doit citer le guitariste Michael Zurita toujours aussi impressionnant de technicité ("Promis") et de sensibilité ("Royaume Décadence"). Puis Aurel Duzoulias moins démonstratif mais qui bénéficie toutefois d’un excellent son de batterie. La surprise vient de Pascal Mulot qui se fait plutôt discret en ne proposant quasiment aucune partie solo. Il n’y a guère que sur l’intro de "MILFS" et dans "Sexaholic" qu’il se positionne un peu en avant, comme il en avait l'habitude.
Au niveau des invités, la liste est longue. De Patrick Rondat à Stéphane Buriez (LOUDBLAST), en passant par Joe Amore (NIGHTMARE) et Olivier Del Valle (SHANNON), ce ne sont pas moins de quinze artistes qui viennent ajouter leur voix ou leur guitare à ce projet. On retient particulièrement la prestation vocale marquante de Céline Lacroix (SAINT OMBRE) dont la voix puissante et rauque est une très bonne surprise. Ainsi que les très belles parties de guitares de Sébastien Bizeul (ALIEN BIZEUL) sur "Promis". De manière assez troublante, la voix de Pierre Guiraud semble revivre sur "Charnel déclic" par le biais du chant d’un des invités.
Le résultat reste donc assez proche de ce que le groupe nous a déjà proposé avec bonheur dans les opus précédents, à savoir un Heavy métal qui couvre une large palette de styles, allant de morceaux agressifs ("King Sodom") à d’autres bien plus mélodieux ("Sexaholic"). Les compositions sont solides, efficaces et accrocheuses ("Professionnelles", "Transex" ou bien "Royaume décadence") malgré un léger sentiment de redite.

S'il manque un peu de folie et d’originalité pour que l’on puisse considérer Sex Opera comme un nouveau sommet dans la carrière du groupe, il n'en reste pas moins un excellent album qui se hisse sans difficulté au niveau de ce qui se fait de mieux dans le genre.