Un an après Les fils du Métal, SATAN JOKERS nous revient avec son deuxième album Trop fou pour toi. La superbe pochette de celui-ci, surtout comparée à celle du premier opus, annonce la couleur : l’heure est au changement, à l’originalité et à l'audace. Et cela se ressent tout autant au niveau des compositions que du son. Celui-ci est très bon, le groupe ayant fait confiance à Steve Prestage (Gary MOORE, Phil LYNOTT, BLACK SABBATH) pour donner au son une puissance et une clarté à même de magnifier les morceaux.

Pour ce qui est des compositions, l’option choisie par le groupe est clairement d'élargir son spectre musical en proposant une palette bien plus large et variée de chansons. Alors que Les fils du Métal était très orienté 'Heavy Speed', celui-ci se veut bien plus hétérogène. Ainsi, si l'on fait abstraction de sa batterie agressive, des chansons comme "Infidèle", "Par habitude" ou "Trop fou pour toi" auraient pu sans aucun problème faire partie d’un album solo de Renaud Hantson, tant nous sommes là très proche de la variété, dans ce qu'elle a de plus noble. Inversement, avec "La marche hérétique" ou "Envie de toi", le groupe donne dans un Heavy Speed qui s'inscrit dans la droite lignée du premier album, alors qu'avec "Adrien", à la lourdeur toute sabbathienne, ce sont les parties de chants qui sont mises à l'honneur. Il est à noter que sur ce titre SATAN JOKERS a invité Francis Zegut et son assistant Mephisto à pousser la chansonnette, en guise de remerciement au soutien dont ils ont toujours bénéficié de la part du célèbre animateur.

Il est coutume de dire que cette orientation plus 'grand public' est essentiellement due à Renaud HANTSON comme pourrait l’attester sa future carrière solo. Mais rien n’est moins sûr, les démos enregistrées par Pierre Guiraud à cette même époque (dans la cave du groupe DEMON EYES), avaient également cette orientation musicale moins clairement focalisée sur le Heavy pur. Le dénominateur commun de tous ces titres reste cependant leur structure assez complexe, faisant la part belle aux breaks et nombreux changements de rythmes.

Les points forts sont nombreux, à commencer par la basse et les voix. Ces dernières se taillent la part du lion. Pierre Guiraud et Renaud Hantson alternent les interventions en mêlant leurs styles rocailleux et puissants. Hantson ne se cantonne plus au rôle de choriste, comme cela était plutôt le cas auparavant, et il s’impose comme chanteur à part entière. Quant à la basse, très présente, elle insuffle aux morceaux une connotation jazzy et un groove très présent ("Vices privées"). Bien loin de ce contenter d’assurer le rythme, Laurent Bernat intervient pour tenir et porter les mélodies, mais également pour donner une identité particulière aux morceaux, notamment au travers des nombreux ponts dont il est friand.

Malgré toutes ces qualités, l’orientation très AOR et Hard FM n’a pas contribué au succès de cet album auprès des fans. Les ventes ont d’ailleurs été faibles. Pourtant, force est de constater que la qualité est partout présente, tant au niveau de l’interprétation que des compositions. Le seul bémol est peut-être à chercher du côté des paroles qui, même si elles dénotent une très grande imagination de la part de leurs auteurs, restent un peu trop gentilles. Le sentiment qui ressort de l’écoute de cet album, c’est qu’il aurait dû s’appeler "Trop tôt pour toi" au lieu de "Trop fou pour toi". En effet, il est facile d'imaginer qu'il aurait eu une autre destinée s’il était sorti quelques années plus tard. Mais la prise de risque était bien trop grande pour cette époque où le public Hard pouvait se montrer très réticent à accepter tout changement ou évolution qui était bien souvent taxés de trahison. Et c’est bien dommage car cet album a un groove, une fraîcheur, une saveur et un charme… trop fous.