Une année après la sortie du magnifique Hand Cannot Erase, Steven Wilson nous revient avec ce maxi E.P, ou plutôt ce demi-album comme nous l'indique son nom. Il est effectivement difficile de le considérer comme un opus à part entière tant les titres qui le composent sont d’origine et d’époque diverses. Le produit final n’est du coup pas à considérer comme relevant d’une approche aussi intégrée et cohérente que de coutume, mais plutôt comme une compilation de cinq nouveaux titres plus une reprise d'un ancien, auxquels Steven a souhaité donner une visibilité à la hauteur de leur qualité.
Au long des 35’ de l’opus, on retrouve avec bonheur une grande partie de la formidable équipe ayant tant contribué aux quatre superbes premiers albums solo de Steven. La nouveauté vient de la présence sur deux titres de Dave Kilminster à la guitare qui accompagne notamment Roger WATERS sur ses tournées.
Cela dit, comme on pouvait s’en douter avec Steven, disparité ne rime aucunement avec médiocrité. Les titres proposés, tous remarquables, auraient très honorablement pu figurer sur les meilleurs opus du Britannique.
"My Book Of Regrets" est un morceau composé en 2013 et finalisé mi-2015. Ce titre de 9’35 très rock et très progressif démarre un peu comme du PORCUPINE TREE, avant que de splendides développements rythmiques et harmoniques l’emmènent dans une dimension plus savante et légèrement teintée de Jazz, grâce notamment à la basse du virtuose Nick Begg et à la batterie de Craig Blundell. Le piano d’Adam Holzman, les magnifiques solos de guitare de Dave Kilminster et les belles harmonies vocales de Steven achèvent d'en faire une franche réussite.
"Year Of The Plague" est nettement plus court et plus calme. Ecrit durant les sessions de The Raven That Refused To Sing en 2012-2013 et interprété par Steven avec la seule aide de Adam Holzman, le morceau déploie un arpège magnifique sur lequel se pose une sublime mélodie au synthé avec un son proche du violon. Nous tenons une petite merveille instrumentale gorgée de mélancolie et de magie.
"Happiness III" est beaucoup plus pop et plus ancien car il a été composé en 2003, époque de l’album Deadwing de PORCUPINE TREE, et enregistré en 2015. C’est un titre bien accrocheur qui nous permet notamment de profiter de la frappe élastique de Marco Minnemann à la batterie et du jeu de Guthrie Govan à la guitare. C’est encore une belle réussite.
"Sunday Rain Sets In" nous propose un nouvel instrumental. Composé et enregistré en 2014, il s’inscrit dans la droite ligne des compositions de Hand Cannot Erase. La mélodie jouée au synthé par Holzman, soutenue par la magnifique flûte de Théo Travis, est profonde et envoûtante et flirte joliment avec le Jazz. Quelques gros accords de guitare, et c’est déjà fini, dommage on aurait bien continué le voyage un peu plus longtemps.
"Vermillioncaire" est un nouveau titre instrumental datant de 2015. Il oscille entre des lignes très progressives légèrement Jazz et des riffs proches du Métal, mentions spéciales à la ligne de basse de Steven, au jeu dynamique de Craig Blundell, et aux interventions de Nick Begg à la "chapman Stick". C’est encore un titre superbe, très crimsonien, notamment dans le jeu de guitare de Steven.
"Don’t Hate Me" enfin est une reprise du titre paru en 1998 sur Stupid Dream de PORCUPINE TREE. Le gros plus est la présence de l’épatante Ninet Tayeb qui apporte sa signature vocale unique sur les refrains, les dotant d'une formidable dimension émotionnelle. Ce titre est sublimé par les musiciens d’exception qui l’interprètent en 2015, mentions spéciales au solo de saxo toujours aussi ébouriffant de Théo Travis et aux lignes de basse très Jazz de Nick Beggs.
Que dire de plus sur cet album intermédiaire, si ce n’est que la note maximale ne lui échappe qu’en raison de son côté 'compilation'. Objectivement, tous les titres proposés sont formidables, seule l’incroyable qualité d’écriture de Steven les ayant relégués sur ces projets annexes et non sur les albums principaux du génie britannique.