Octane Twisted est un live paru en novembre 2012, issu de la tournée de promotion de l’album The Incident sorti trois ans plus tôt. Il est constitué d’enregistrements d’un concert donné le 30 avril 2010 au Riviera Theater de Chicago, et de trois morceaux tirés du show donné le 14 Octobre 2010 au Royal Albert Hall de Londres (les trois derniers du disque). A propos de ce dernier concert, on sait aujourd’hui qu’il sera le dernier donné par PORCUPINE TREE avant ceux de septembre 2022, douze longues années plus tard…
Dans son (passionnant) livre A Limited Edition Of One, Steven Wilson évoquera l’ambiance cafardeuse de cette fin de tournée, affirmant notamment s’être demandé ce qu’il faisait sur scène lors du dernier show londonien susmentionné. Cette usure progressive issue d’un mauvais cocktail entre un succès finalement cantonné à une frange trop peu nombreuse d’irréductibles fans, le semi-échec artistique du dernier opus, et les contraintes de la vie en tournée, de moins en moins facile à supporter au fil des années, jouera un rôle majeur dans cette longue mise en sommeil.

Mais surtout, Steven va goûter à une nouvelle liberté : celle de sa carrière solo en plein essors qui va peu à peu prendre le pas sur tous ses autres projets (y compris NO MAN et BLACKFIELD). Fatigué du prog métal des derniers albums, et pas suivi par Richard Barbieri sur ses aspirations Jazz, Steven va pleinement réaliser avec de nouveaux musiciens une facette encore inédite de ses aspirations profondes : l’album Grace For Drowning qui paraît d’ailleurs en 2011 transpire totalement toutes les évolutions que Steven ne parvenait pas à explorer avec PORCUPINE TREE.
Pour en revenir à l’opus qui nous intéresse ici, n’en tirons pas néanmoins de mauvaises conclusions. Comme sur les précédents enregistrements Live (notamment le somptueux Anesthetize), on en a largement pour notre argent tout au long des 128’ de l’opus.

Le premier disque (version vinyle) est constitué d’une interprétation intégrale de The Incident, le groupe étant renforcé à cet effet par le brillant guitariste / choriste John Wesley habitué des tournées avec les porcs épics. Inutile d’insister sur la perfection de la restitution sur scène d’un album complexe, et sur la performance époustouflante des musiciens (mention spéciale à Steven bien entendu et à l’incontournable Gavin Harrison). Malgré tout, le rendu reste assez froid : peu de réactions captées du public, et peu de place pour l’improvisation pour une musique aussi construite et écrite. Du coup, cette version n’apporte pas grand-chose par rapport au disque, sauf peut-être la guitare acoustique de Steven plus présente que de coutume, et la belle harmonie des voix entremêlées de Steven et de John Wesley. On connait par ailleurs les limites du disque (voir les Kros sur notre site), Steven devenant de plus en plus sévère à son égard avec le temps, endossant toute la responsabilité d’une musique "pas aussi forte, aussi bonne qu’elle aurait dû".
Le second disque (version vinyle) s’avère finalement nettement plus intéressant, avec plus de 73‘ qui offrent un joli survol de la discographie des britanniques dont certains titres pas encore disponibles en version Live ou pas encore interprétés avec Gavin Harrison. Steven remballe le plus souvent la guitare acoustique, et se fait plaisir sur de longs solos bien électriques et jouissifs.

La palme revient probablement au superbe "Russia On Ice" enchaîné avec "The Pills I’m Taking" qui est en fait la seconde partie du prodigieux "Anesthetize" déjà présent sur le live précédent. Autre titre de Lightbulb Sun, "Hatesong" dévoile ses jolis accents pop et Jazzy sur près de 10’ dans une belle atmosphère ponctuée de chouettes solos de guitare électrique. Rayon curiosités, les deux titres de l’album The Sky Moves Sideways sont bienvenus et joliment interprétés. "Stars Dies" est une jolie ballade au tempo medium bien emmené par une section rythmique intense et pleine de groove, alors que "Dislocated Days", plus sombre, nous tient en haleine tout au long de ses 7’05 ans une version très intéressante et bonifiée par le jeu virtuose de Gavin Harrison et les parties de guitare lead tranchantes de Steven et John Wesley. "Bonnie The Cat" est un titre de The Incident qui met en valeur les sonorités tissées par Richard Barbieri et la voix engagée de Steven pour un résultat assez convainquant et bien destroy sur sa seconde partie. Il nous reste deux monuments : "Even Less" version longue (celle plus progressive de Recordings), et "Arriving Somewhere But Not Here" qui figurait déjà sur le DVD Live du même nom. La qualité de ces deux titres n’est plus à prouver, et les versions proposées ici sont en tous points somptueuses, avec de superbes parties de guitare notamment.

Que dire de plus sur cet opus qui finit (comme presque toujours) par emporter l’adhésion tant le niveau du groupe est élevé et les interprétations proches de la perfection. On sait que la reproduction intégrale d’un album sur scène vaut surtout pour le public du soir, et que l’exercice est finalement assez complexe car il laisse peu de latitude, et c’est indiscutablement le cas ici. Le second disque est plus aventureux et libre, et retiendra donc davantage notre attention.
A final tout cela vaut un bon 4, pour un enregistrement qui fera longtemps figure de dernier témoignage sur disque d’un combo voué à devenir légendaire.