Tout groupe qui se respecte doit prendre exemple sur EINSTÜRZENDE NEUBAUTEN quand il s'agit de créer une compilation. Oui, je l'ai peut-être déjà plus ou moins formulé dans d'autres chroniques, mais on ne le dira jamais assez. Non seulement le groupe allemand n'a sorti que peu de compiles, mais en plus chacune a toujours eu une pertinence remarquable (oublions le Greatest Hits de 2016). Lorsque sort en 2001 le troisième volet de Strategies Against Architecture, on ne peut que s'en réjouir, presque autant que pour un album studio. Deux heures d'inédits, de lives et de morceaux les plus marquants issus de 3 albums, le tout bien arrangé, voilà qui est alléchant.

Verdict après écoute : oui, c'était alléchant, et oui, le jeu en valait la chandelle. S.A.A. III est sans doute la meilleure compile de NEUBAUTEN, aussi bien sur la forme que sur le fond. Tout ce qui était excellent dans Tabula Rasa (1993), Ende Neu (1996) et Silence is Sexy (2000) tout en étant – relativement – accessible est intelligemment mis en valeur ici. Des morceaux aussi essentiels que "The Garden", "Was ist ist" (ici présent dans une version plus longue) ou encore "12305te Nacht" sont placés au bon moment, de sorte qu'on a vraiment l'impression globale d'écouter une toute nouvelle œuvre. Même des compiles autrement réussies sur tous les plans (The Complete Mike Oldfield, The Gift Recordings) n'apportent en rien cette surprenante satisfaction.

Comme le volet précédent, S.A.A III ne manque pas de disséminer ça et là des morceaux live. Étrangement, ce n'est pas "Redukt" qui tire le plus son épingle du jeu, même si l'émotion dure et poignante est toujours de mise. En revanche, pour ce qui est de "Ende Neu", c'est une autre paire de manches. Plus tribal, plus énergique et plus sombre aussi, sans en faire trop, il y a de quoi parler d'un 'must' dans la discographie entière du groupe, rien que ça. À sa hauteur, "I Wish this would be your colour" se fait une belle place en tant que version encore plus contrastée de "Redukt"... et ça marche du feu de Dieu.

Le plus gros de S.A.A. III est avant tout constitué d'inédits. Forcément, si certains morceaux n'ont pas trouvé place sur disque, c'est qu'il avait fallu faire de l'écrémage. Et fatalement, c'est là qu'on trouve les morceaux les plus dispensables. "Blume" est ténébreux, vicieux dans sa version anglaise, mais pour ce qui est de la version française présente ici, heu... non, ça ne marche pas. Les interludes "Montblanc", "Querulanten" et "Drachen", idem, ce n'est pas dit que leur présence sur l'un ou l'autre album studio aurait positivement changé la donne. De l'autre côté, certains inédits font se demander pourquoi ils ont été écartés, comme "Für wen sind die Blumen?", datant clairement de l'époque Tabula Rasa, à la fois mélancolique et redoutablement rythmé. Quant à "Architektur ist Geiselnahme", il s'agit d'un thème de la B.O de Berlin Babylon, sorti la même année que S.A.A. III(fi]. Intéressante façon de braquer les projecteurs sur ce documentaire urbain. Ah, et c'est un morceau lancinant mais pertinent.

Outre quelques baisses de régime inhérentes à une compilation d'inédits, Strategies Against Architecture III est une compilation exemplaire. Avec elle, EINSTÜRZENDE NEUBAUTEN entre dans le nouveau millénaire d'un pas confiant, une belle discographie sous le bras. Ce véritable exploit mérite d'être lourdement applaudi, d'autant plus qu'il ravit le fan tout comme il contente le néophyte curieux.