Depuis sa ré-émergence à la fin des années 90, Patti SMITH n'arrête pas de trouver de quoi s'occuper. Après l'excellent Gung Ho sorti en 2000, elle a fait la guest-star pour R.E.M., sorti un coffret contenant ses albums remasterisés, un best-of avec une reprise inédite de PRINCE, et a même présenté une exposition de ses œuvres au musée Andy Warhol à Pittsburgh. Mais à toutes ces activités vient s'ajouter le décès difficile de sa mère.

Cela n'empêche pas Patti de repartir en studio, et c'est en l'an de grâce 2004 que sort le neuvième album de sa discographie, Trampin', livré dans son édition de luxe avec un deuxième CD comprenant un live enregistré aux Vieilles Charrues. Et pour finir sur les infos mineures, précisons que cette année-là Patti quitta Arista Records pour Columbia, peu ou prou la même chose, les deux ne tardant pas à se faire manger tout cru par le géant Sony.
Sans surprise dans le livret, nous retrouvons la même fine équipe que sur Gung Ho, avec une nette réduction sur les guests. Pour la jolie photo de couverture (et je veux dire celle en entier, pas la version avec juste un gros plan sur le pied de Patti digne de Tarantino), nous pouvons remercier Melody McDanield, une photographe avec quelques stars dans son carnet d'adresses et un portfolio des plus sympathiques. Et de même que ses albums précédents, Trampin' fut classé par le Rolling Stone Magazine parmi les « meilleurs albums de 200 ».

Comme d'habitude, ou presque. Très léger changement, l'album compte non pas une mais deux longues pistes improvisées : « Gandhi » et « Radio Baghdad ». Les deux morceaux se construisent autour de la guitare et du chant avec une lente montée en puissance, le second évoquant une apocalypse sonore inspirée des DOORS alors que le premier se situe plus proche d'un blues garage-rock, mélange pas si incongru que cela.
Ce son abrasif typique du groupe se retrouve dans les deux chansons garage-rock de l'album, « Jubilee » et « Stride of the Mind », avec comme toujours le génial Lenny Kaye en pondeur de petits riffs qui tuent. Amateurs de gros son, profitez de ces quatre chansons, le reste de l'album est nettement plus posé, presque tendre, en vérité.
Tendre ? Eh oui ! Détournez-vous un instant du violon de « My Blakean Years » pour prêter attention aux paroles promettant la conquête du désespoir par la pitié et la joie. L'approche de Patti du tumulte post-11 Septembre est bien calme et optimiste par rapport à sa bile habituelle. Quelque part, le fantôme de Fred SMITH plane toujours sur l'album, mais la tristesse de son absence semble ici compensée par la présence de ses enfants, « Carthweels » étant dédié à leur fille Jesse SMITH, qui joue du piano dans la chanson éponyme, une ballade country qui conclut l'album sur une note douce et constitue à mes oreilles l'un des plus beaux morceaux de Patti.

Trampin' est un de mes albums préférés de Patti SMITH. C'est l'un de ses plus humains, mais aussi de ses plus risqués. Là où Gung Ho reprenait avec brillance le garage-rock du groupe mais ne s'éloignait pas trop de cette formule, son successeur part vers un aspect mélodique entièrement assumé, sans avoir la froideur hivernale de Gone Again et Peace and Noise. Quitte à le comparer avec un autre album de Patti SMITH, autant l'apprécier à la même valeur que Dream of Life, avec tout le bien que cela veut dire.