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Tiken Jah FAKOLY - L'africain (2007)
Par NESTOR le 5 Octobre 2018          Consultée 847 fois

En 2007, après quatre albums de qualité, Tiken Jah FAKOLY est devenu un artiste qui compte au sein de la scène Reggae. L’Africain, son cinquième disque distribué en Europe, est l’occasion pour lui d’élargir sa palette musicale afin d’élargir un peu son champs d’action.
Si l’usage de plusieurs langues, ainsi que l’incorporation d’instruments et de sonorités africaines, ont toujours été des facteurs de métissage et de fusion pour lui, avec ce nouvel album il se permet d’aller un peu plus loin dans cette démarche qui vise à intégrer différents univers.
De plus, si l’ADN de Coup de Gueule, son prédécesseur, faisait principalement ressortir le côté vindicatif et protestataire de Tiken Jah, L’Africain est un album plus consensuel, plus pondéré. De fait, le premier sentiment qui transpire de celui-ci est que l’artiste s’est mis au diapason de la situation de son pays natal en utilisant un ton légèrement moins sombre et pessimiste que par le passé. Il faut dire que lorsque ce disque sort, en septembre 2007, la Côte d’ivoire vient tout juste de sortir d’une crise politico-militaire, qui a obligé FAKOLY à fuir son pays. L’accord de Ouagadougou vient tout juste d’être signé, l’heure est à l’apaisement, à la réconciliation et l’ambiance de L’Africain s'en ressent.
Tiken Jah exprime ici plus son amour et son espoir que sa condamnation. C’est tout particulièrement le cas avec "Ma Côte d’Ivoire", dans lequel il nous fait part de son amour et de ses espérances pour son pays. Il n’est plus questions de stigmatiser ni de pourfendre les tenants de l’ivoirité, comme cela était le cas dans ses précédent opus.
Son combat contre les nationalismes et les isolationnistes prend ici de nouvelles formes : celles de la défense des droits des migrants et de l’ouverture des frontières. Un thème qu’il avait déjà abordé dans son album précédent au travers de la chanson "Où veux-tu que j’aille ?", et qui fait ici l’objet d’une trilogie très efficace, "Ouvrez les frontières", "Où aller où ? " et "Africain à Paris". Si ce dernier morceau est un détournement habile et amusant du "English Man in New York" de STING, c’est surtout le duo avec SOPRANO ("Ouvrez les frontières") qui marque les esprits. Efficace et entraînant, ce titre mérite amplement son statut de single. Et même si on pourrait lui reprocher un usage un peu trop répétitif du titre, ce morceau se montre bougrement agréable.
Il est à noter que, au même titre que SOPRANO, Magyd CHERFI de ZEBDA intervient sur le texte de ce titre (ainsi que sur "Non à l’excision"). Plusieurs textes de l’album sont d’ailleurs le fruit de collaboration d’autres artistes, tels Disiz La PESTE, Beta SIMON, Francis MAFALANKA et Mike d’INCA.

Tiken Jah, qui ne saurait toutefois s’interdire de placer quelques brûlots dans ses disques, ne fait pas d’exception avec L’Africain. Mais son propos se limite de moins en moins à l’Afrique de l’Ouest. Il pourfend désormais l’excision ("Non à l’excision"), s’insurge contre les ingérences au Moyen Orient ("Soldier"), dénonce l’inanité des classes politiques ("Promesses Bla-bla", "Gauche Droite").
Souvent incisif et pertinent, Tiken Jah ne fait toutefois pas toujours preuve d’un discernement sans faille. Ainsi l’hommage qu’il rend dans "Foly" aux grandes figures qui ont fait avancer la cause noire et qui, selon lui, devraient à ce titre être honorées plus intensément, regroupe des personnalités qui ne sont pas toutes exemptes de reproches.
Si les auras de Martin Luther KING, Nelson MANDELA ou Thomas SANKARA ne sont guère entachées d’ombres, on ne peut pas aussi facilement en dire autant de personnages au passif plus ambigu, tels Haïlé SELASSIE, Jomo KENYATTA (anecdotiquement, le grand-oncle du guitariste Tom MORELLO), Sekou TOURE, et dans une moindre mesure (si l’on tient compte du contexte historique) de l’arrière-grand-père de ce dernier : Samory TOURE.
Le fait de s’être opposé aux forces coloniales n’est pas à lui seul un gage de grandeur d’âme. Et mettre sur le même niveau le pacifisme de MANDELA et le féodalisme de Samory TOURE revient à considérer que la fin justifie les moyens, que, par nature, les ennemis de mes ennemis ne partagent pas obligatoirement mes valeurs. En cela, Tiken Jah marche sur les traces d’Alpha BLONDY qui avait déjà rendu hommage à l’Almany Samory TOURE dans son album Cocody Rock!!!, en occultant le fait que celui-ci avait régulièrement recours à l’esclavagisme, et à un mode de gouvernement très autoritaire.

Au-delà des thèmes abordés, la coloration musicale de L’Africain laisse un peu sceptique. Si jusqu’alors la fusion de reggae fortement inspiré par Bob MARLEY et de sonorités africaines avait plutôt très bien réussi à mister FAKOLY, le constat est ici un peu moins catégorique. En effet, si le fait de tenter de diversifier un peu son propos en incluant des colorations world music avec "Les Oiseaux du Ciel", une sensibilité blues avec "Non à L’excision", des ambiances rap avec "Stoppez-Les", apporte une réelle fraîcheur, cela ne suffit pas à contrebalancer totalement le fait que la musique de Tiken Jah tend à s’uniformiser doucement.
Elle bouscule moins nos sens et se fait moins immédiatement mémorisable que par le passé. Il flotte trop souvent un sentiment de déjà entendu, ou bien l’impression que l’artiste se montre un peu trop timoré. Qu’il n’ose pas toujours adopter une position plus tranchée.
Ce constat exagérément dur s’appuie plus sur un sentiment naissant que sur une réelle condamnation de la qualité musicale de l’Africain. Pour autant, on ne peut nier qu’en de nombreuses occasions commence à poindre le sentiment que la musique se contente de ronronner gentiment. Et cela est d’autant plus embarrassant que Tiken Jah FAKOLY fait preuve d’un aplomb et d’une audace autrement plus impressionnants dans ses textes.
On aimerait qu’il en soit de même sur le plan musical.

Bien que L’Africain ne soit pas fondamentalement très différent de ses prédécesseurs, son efficacité ne parvient cependant à égaler ceux-ci qu’en de rares occasions (le tubesque "Ouvrez les Frontières", le très rythmé "Foly", ou bien l’amusant, tout autant que profond, "Africain à Paris"). Ce, notamment du fait de l’apparition d’un léger sentiment de déjà vu et de lassitude.
Rien de bien dramatique pour le moment, mais il faut souhaiter que Tiken Jah se ressaisisse afin que cette tendance ne se renforce pas dans le futur.

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   NESTOR

 
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- Kevin Jah Fakoly (chant)
- Kevin Bacon (basse)
- Hugo Cechosz (basse)
- Adama Diarra (djembe)
- Constant Ser (djembe)
- Mamadou Cherif Soumano (kora)
- Toumani Diabaté (kora)
- Denver Smith (percussions)
- Zoumana Téréta (soukou)


1. L'africain
2. Ouvrez Les Frontières (avec Soprano)
3. Où Aller Où ?
4. Africain à Paris
5. Ayebada
6. Soldier (avec Akon)
7. Non à L'excision
8. Foly
9. Viens Voir
10. Promesse Bla Bla
11. Gauche Droite
12. Ma Côte D'ivoire (avec Béta Simon)



             



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