Après un album (L’Africain - 2007) un peu décevant, car trop irrégulier et manquant de relief, Tiken Jah FAKOLY nous revient avec sa régularité coutumière par le biais de ce African Revolution, bien plus convaincant. Il faut dire que si nous sommes toujours en présence d’un reggae foncièrement assez traditionnel, enrichi de fortes colorations africaines, et chanté en différentes langues, ce dernier album en date possède une connotation Folk acoustique assez prononcée, du meilleur effet.

Que ce soit en termes d’orchestration, tout comme d’orientation musicale, la plupart des morceaux proposés ici s’avèrent plus sobres et moins foncièrement reggae que par le passé. On se rapproche, à cet égard, un peu de l’univers musical de MISHKA, sans toutefois atteindre le côté dépouillé de celui-ci.
Pour ce qui est des thèmes abordés, et comme c’est le cas depuis Coup de gueule (2004), Tiken Jah s’est entouré de plusieurs artistes qui l’épaulent pour l’écriture des textes. On peut citer le désormais coutumier Magyd CHERFI (ZEBDA) qui signe là son « hat trick musical » puisque l’on pouvait déjà retrouver sa plume sur les deux précédents opus de mister FAKOLY. On retrouve également l’ex SAIAN SUPA CREW, FEFE sur "Je dis non !", et Jeanne CHERHAL sur "Je ne veux pas de ton pouvoir", qui sont crédités comme auteurs.
On peut toutefois noter un léger changement d’optique dans les textes : la manière dont Tiken Jah mène ses combats évolue : il délaisse un peu le ton de la dénonciation systématique au profit d’un discours qui se veut plus constructif et pédagogique ("African Revolution", "Votez").

Pourtant, et même si ces évolutions restent relativement mineures, il n’en va pas de même du résultat qui lui, s’avère bien plus réjouissant que son devancier. Au point qu’il faut considérer que la déception que représentait L’Africain n’était qu’un léger passage à vide, et que nous avions tort de nous interroger sur la capacité de Tiken Jah à mener sa carrière sur la durée. En effet, si, tout comme son prédécesseur, African Revolution comprend quelques excellents morceaux, parmi lesquels on peut citer "Marley Foly", un hommage à la famille MARLEY, le rythmé "Je ne veux pas ton pouvoir", "African Revolution" ou bien "Je dis non !", il supplante celui-ci par la quasi absence de morceaux dispensables car pénalisés par un manque de relief ou de saveur.

L’orchestration sonne particulièrement juste avec notamment une utilisation très heureuse d’instruments traditionnels d’Afrique de l’Ouest, parmi lesquels la kora se taille la part du lion pour enrichir des morceaux à l’image du nostalgique "Vieux père". Il y a également tout lieu de saluer la présence de morceaux qui apportent une touche d’originalité, à l’image d’un "Laisse-moi m’exprimer" dont les sonorités évoquent par moments les Antilles françaises, et "Votez" dont le rythme peut renvoyer à des ambiances Rumba.
La seule (légère) déception qui pointe le bout de son nez est à mettre à l’actif du chant. Celui-ci manque en effet parfois un peu de puissance et d’agressivité. Mais ce qui aurait pu être considéré comme un handicap dans un autre contexte se marie au final très bien avec le ton général d’un album à l’identité plus intimiste.

De plus certains textes possèdent une musicalité propre à se montrer charmeur sans pour autant nécessiter de puissants vocaux. A l’image du très convaincant refrain de "Je ne veux pas de ton pouvoir".
Un peu à l’image d’un PIERPOLJAK qui a muté doucement pour s’affranchir de ses origines Reggae, Tiken Jah FAKOLY s’émancipe tranquillement de ses premières influences pour nous proposer un album varié et efficace.
De ce fait, African Revolution est une véritable réussite, un album plein de charme et de douceur qui participe grandement à consolider le statut de Tiken Jah FAKOLY comme celui d’un acteur prépondérant du reggae africain, si ce n’est du reggae tout court. Et qui contribue à lui forger une identité musicale propre.