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The WHO - Who (2019)
Par MARCO STIVELL le 14 Décembre 2019          Consultée 4220 fois

Le fait que les WHO appellent leur nouvel album Who peut signifier bien des choses, pour eux qui ont toujours évité la facilité du titre simplement éponyme. La première qui vient en tête, surtout après la découverte du contenu du disque, c'est l'idée d'un nouveau départ, d'un renouveau en tout cas. N'ayant produit que quatre albums en quarante ans dont une bonne moitié jugée décevante par le public, et au contraire, tourné pas mal de temps (notamment entre 2014 et 2016 justement, pour ne point manquer l'anniversaire des cinquante ans), on a l'impression d'un bon sursaut en avant, même si l'âge de Pete Townshend et de Roger Daltrey (74/75 ans) n'en laisse point espérer beaucoup plus.

Autres détails qui mettent la puce à l'oreille, les haricots en conserve comme The Who Sell Out (1967) et l'emploi du mot 'detour', pour la pochette façon collage à la Face Dances (1981) ainsi que le titre d'une des nouvelles chansons, hommage au tout premier nom du groupe anglais au début des années 60 : "The Detours". Un peu comme si celui-ci, parmi les derniers de sa génération, pardon sa g-g-g-g-génération, voulait se refaire une santé.

En tout cas, le voilà ce nouveau disque dont Townshend parle depuis 2014. On ne sait si les chansons sont les mêmes que celles qui avaient été alors imaginées pour sauver son projet Floss the Musical (comme Who's Next l'avait fait pour Lifehouse en 71), mais en tout cas le premier single, "Ball & Chain", est une reprise d'un titre qu'il avait déjà enregistré seul. Morceau plutôt incisif avec des paroles dirigées contre Guantanamo, des guitares au timbre western dans l'intro, une paire batterie-basse de taille (pour la seconde, ainsi que "Detour", le fidèle Pino Palladino restitue le son de John Entwistle mieux que partout ailleurs dans le disque).

Sur cette chanson comme les deux autres qui l'encadrent, "All This Music Must Fade" et "I Don't Wanna Get Wise", où les WHO usent à leur avantage d'arguments pour leur retour créatif, on ressent une bonne et grande influence américaine, que ce soit dans les accords ou l'esprit pop parfois léger, détendu. Daltrey y ajoute la verve et la hargne qui l'ont toujours caractérisé, adaptées à son âge bien sûr, et on aime. Il faut néanmoins s'y attendre : c'est la partie la plus rock du disque ! Ce qui n'empêche pas Townshend de balancer des riffs claquants dont lui aussi a le secret, de s'amuser à triturer sa guitare, même si, hélas parfois, celle-ci est un brin sous-mixée. Comme il a un Vocoder entre les mains, il nous en fait bien profiter aussi, avec ces choeurs fourmillants, kitschs !

Les deux hommes, dans le studio-maison du guitariste touche-à-tout qui a presque tout écrit bien sûr ("Break the News" est signé par son propre fils, Simon), ont enregistré leurs parties à des moments différents, toujours en décalage. Ce qui laisse encore moins de traces du vrai groupe passé, si l'on considère que, parmi les musiciens intervenants, Pino Palladino et Zak Starkey ne sont pas toujours présents, remplacés par Gus Seyffert pour l'un et d'autres batteurs pour l'autre, dont Joey Waronker et Matt Chamberlain.

Toutefois, ils ont voulu faire du WHO, donner du plaisir à leurs fans. Outre le chant et la guitare, cela s'entend clairement sur "I Don't Wanna Get Wise", avec ce pont ("Experiment, the universe...") qui rappelle fortement les années 70, apport de synthétiseurs (Elka, ARP) garanti pour une belle utilisation de cordes, même si pour une fois, il y a aussi un vrai orchestre ! La façon dont il répond à Daltrey sur l'excellent "Hero Ground Zero", mélange de groove et d'héroïsme à la Quadrophenia ou Who Are You, a de quoi rester en mémoire.

Dave Sardy ajoute quelques effets de Mellotron par-ci par-là. "Detour" est comme un nouveau "Magic Bus", toutes percussions dehors, mais Townshend tient lui-même l'harmonica, comme sur "Join Together". Quant à "I Don't Wanna Get Wise", dans le texte, on dirait presque un miroir à "My Generation" (la lutte intérieure pour ne pas devenir sage quand l'âge et le paraître l'assurent), Daltrey usant même d'un léger bégaiement. We tried hard to stay young but the high notes were sung, que dire sinon qu'entre autres exemples, cela témoigne d'une écriture toujours forte ?

Le plus intéressant, c'est que les WHO ne se contentent pas de fan-service, hormis quelques touches éparpillées. Ils n'ont pas cette envie de passéisme maladif, et l'inspiration plutôt clémente, contrairement à Endless Wire (2006), les amène vers de nouvelles choses. Townshend joue de la vielle à roue sur "Street Song", un effort très narratif, autant sur le plan instrumental que chanté.

À ce propos, il se réserve la ballade soul "I'll Be Back" et fait même un peu de rap mais pépère, tranquilou. Cela peut choquer sans doute, et pourtant il y a du positif, comme sur la pop-folk-gospel du 'petit' Simon, au refrain entêtant et aux éternelles boucles de synthé, sur le faux départ rock en crescendo de "Rockin' in Rage" où Daltrey se montre énergique et où l'esprit Who's Next ("The Song is Over"/"Getting in Tune") pointe le bout de son nez, dès l'intro au piano.

La question est : qu'attend-on d'un groupe comme THE WHO aujourd'hui ? Rien, et sans doute certains ne retiendront-ils effectivement rien de cet opus un poil décousu dans son chapelet de titres. Au mieux, on pouvait espérer des clins d'oeil au passé en harmonie avec de la nouveauté et, en l'occurrence, Who se révèle franchement bien réussi. L'album est dédié à feu Alan Rogan, guitariste et technicien guitare depuis 75 du groupe et de Townshend solo, mais aussi de Eric CLAPTON, George HARRISON, Aretha FRANKLIN, des ROLLING STONES...

Un ou deux titres discutables d'un point de vue qualité ("Street Song", l'athée "Beads on One String") n'en sont pas moins intéressants. Un album rock pur jus aurait peut-être été préférable, mais les WHO sont considérés un groupe punk pionnier, ils peuvent aussi titiller leur public et ont bien raison, comme Mike OLDFIELD en 2014. Pas de 'grande' chanson ici, mais quelle importance quand ça se tient ? Et puis, bon sang de bonsoir, finir avec un titre d'une classe folle comme "She Rocked My World", ce n'est pas donné à tout le monde ! Esprit latino/bossa entrecoupé de blues à la morsure latente, phrasé de piano oriental, arpèges délicats de guitare acoustique, voix de Daltrey crooneuse et voilée... En voilà du chien ! Comme le 'cliffhanger' d'une série, ça appelle une suite !

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   MARCO STIVELL

 
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Non disponible


1. All This Music Must Fade
2. Ball & Chain
3. I Don't Wanna Get Wise
4. Detour
5. Beads On One String
6. Hero Ground Zero
7. Street Song
8. I'll Be Back
9. Break The News
10. Rockin' In Rage
11. She Rocked My World



             



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