Dix ans après son arrivée au rang d'étoile de la chanson, Axelle RED, toujours très présente auprès de sa famille comme des personnes dans le besoin des pays d'Asie ou d'Afrique, ne met pas de frein à sa carrière musicale mais espace ses productions. Son quatrième album paraît fin 2002, quelques mois après le duo retentissant avec RENAUD, "Manhattan-Kaboul".

Une pochette un rien flashy, pour un effort mésestimé. La chanteuse belge est épaulée d'un point de vue production par Kevin Robinson (auparavant collaborateur de SIMPLY RED) et Al Stone qui a travaillé pas mal pour JAMIROQUAI ou, plus près de nous, pour ZAZIE au moment où elle fait sa Zizanie, un an plus tôt en 2001. Certains des musiciens (le guitariste Michael Toles, le claviériste et arrangeur d'orchestre Lester Snell...) ont longtemps été présents auprès du maître Isaac HAYES dont on se remémore le concours précieux en 1996 pour À Tâtons, deuxième album d'Axelle RED.

Bien illustré par le titre choisi, Face A / Face B, cet opus dont la durée excède quand même celle du vinyle (1 heure et 4 minutes) propose en effet une première moitié sérieuse et une deuxième plus légère.

Sérieuse n'est peut-être pas le meilleur épithète, mais comment qualifier autrement deux chansons engagées comme celles qui ouvrent l'album, ce "Venez vers moi" au vitriol, dénonciation de la guerre et du terrorisme, des profiteurs en politique comme en religion ; ce "Voilà ce qu'on peut faire", suite logique en discours optimiste de l'Axelle RED porte-parole, défenderesse des victimes et des plus démunis ("plus de mal, plus de guerre, que des roses sur la Terre, voilà ce qu'on peut faire") ? Les intonations vocales, la richesse musicale et sonore de ces titres, belle énergie soul-funk moderne, font pour partie la réussite de ces titres.

"Vole" nous permet de retrouver une Axelle RED plus intime à travers un morceau chargé de sens, de groove lent, de féerie jusque dans la chorale, les envolées en voix de tête sur le final. Puis viennent deux titres plus lourds dans leur verve, comme écrits après une séparation. "Blanche Neige", cynique, est fort bien ficelé, fait revenir les cuivres ; "Je me fâche", en vantant la liberté, mélange talk-over et chant passionné, attaques de guitares et de cordes parfois massives... Quant à "Toujours", il s'agit d'une fausse sucrerie au piano et enrobée de cordes : de nombreux regrets y sont exprimés avec puissance.

Si la première moitié de l'album est un sans-faute, il serait dommage de penser que la suivante détonne en qualité. Malgré la légèreté des textes, des tempos souvent connotés dancefloor (non pas dance ni techno bien sûr), "Gloria", "Disco grenouille" et "Amants de minuit" sont plutôt chic et offrent une respiration bienvenue. De plus, Axelle RED y dévoile une certaine maturité acquise vocalement, en passant d'un soupçon de hargne à sa voix la plus douce en un rien de temps. Les tics de production, vintage mais aussi modernes, sont rarement contest ables. Et ces choeurs sur "Gloria"... !

Sur les trois derniers titres, c'est plus la "part maman" de la chanteuse qui mène le propos, dans les textes et l'envie d'inviter des enfants pour chanter un "Bon anniversaire" bossa-nova et très personnel. Ce dernier quart doucereux, quoique pas toujours en lumière, nous donne à retenir "T'es ma maman", touchant avec sa musique west-coast. Un aspect d'ailleurs repris généreusement sur le titre caché en fin d'album, sur lequel notre rousse favorite fredonne des onomatopées sensuelles, tout le long d'une vraie chanson ! Surcroît d'élégance...

Toujours aussi bien entourée, Axelle RED délivre l'un de ses meilleurs albums, sans tube certes, et cela participe beaucoup à son déclin populaire, mais preuve évidente qu'elle ne compte pas rester la star de quelques singles années 90. Au contraire, elle franchit le cap du nouveau millénaire avec dignité.