En trois ans, Axelle RED est passée du statut de jeune chanteuse à celui de populaire, avec tout ce que cela peut comporter d'engagement. Femme désormais mariée et maman d'une petite fille, elle s'est naturellement sensibilisée au sort d'enfants et de femmes de pays défavorisés, en guerre, du sud-est de l'Asie et jusqu'à Haïti, devenant même ambassadrice des Nations Unies.

Cette période très intense, la plus importante de sa carrière à ce stade, donne lieu à divers événements, musicaux compris, comme l'ouverture de la Coupe du Monde de football en 1998 ou le fameux duo de concerts The Soul of Axelle Red, dans lesquels sont employés un big-band et interviennent des stars parfois oubliées de la chanson afro-américaine. Il y a eu aussi un album en espagnol, constitué de reprises de chansons des deux premiers albums de l'artiste.

Toujours Moi est un retour à la création pure, et en français. Bien que trois ans semble peu en termes de dates, les occupations d'Axelle RED la placent déjà loin de son simple statut de star du milieu des années 90. On peut d'ores et déjà dire également que la sortie de ce troisième album coïncide avec la fin de cette starisation, si l'on excepte le duo réalisé en 2002 avec RENAUD pour le tube "Manhattan-Kaboul".

Que reste-t-il de ce troisième album ? Une pochette marquante, comme l'ont été les précédentes, accordée avec un contenu à la hauteur. De la séduction poétique plus que de la chanson engagée, avec l'espièglerie de "Mon futur proche" ("Me saoûler de 10 margharitas/m'balader en string en hiver/t'es mon futur proche, vaut mieux qu'tu t'accroches"), avec les sept minutes câlines et insistantes de "Faire des mamours", en talk-over, couleurs smooth et organiques...

Du tube, il en reste aussi grâce à "Ce matin", à "Bimbo à moi", à "Parce que c'est toi"... Surtout "Parce que c'est toi". Le slow langoureux, évident, où la guitare acoustique, la batterie aux balais, l'orgue et les résonances de claviers forment un tout avec la chaleur de la voix d'Axelle RED ; le morceau entonné plus par les fans qu'elle-même en concert, voire en dehors. On a tous vu à l'époque ces images live de centaines de fans "portant" le refrain : "Parce que c'est toi le seul à qui j'peux dire qu'avec toi je n'ai plus peur de vieillir..."

On a aussi pas mal entendu "Ce matin" avec ses arrangements soignés de bugles, ses cordes rêveuses, sa légèreté pop rétro qui s'écarte un peu du funk dont la Belge rousse est devenue coutumière. Autre titre cuivré, "Bimbo à moi" a fait moins parler de lui, endiablé et taillé davantage pour les dancefloors. L'occasion pour RED d'aller vers un registre plus torride, tandis que les arrangements continuent de révéler le soin qu'on leur a apporté : choeurs, cloches tubulaires, etc.

Quoique jeune, la chanteuse amoureuse n'hésite pas à se projeter avec largesse, "À 82 ans" par exemple. Un titre enfantin qui s'écoute bien, où la basse rapide à contretemps crée la surprise. Quelques titres soft, dans des tons folk et ensoleillés, sont à souligner malgré des textes parfois nuancés, comme "Toujours moi" et "La réponse", qui reprend à son tour la relation parents-enfants. "J'ai jamais dit" est pétri d'un amour plus mordant, celui qui se défend face aux mauvais traitements. À l'instar de "Quitter tôt" et son ambiance mystérieuse, Axelle RED y utilise le falsetto comme rarement elle l'a fait jusque là.

Ce troisième disque mieux équilibré et surtout moins long que son prédécesseur, propose encore un instrumental, un vrai : "Stay or Not". On pense au départ que la chanteuse va intervenir plus tard, mais cela n'arrive jamais ; c'est une récréation totale accordée aux musiciens, dans le genre funk et gracieux. Plaisant et courageux, bien qu'un peu long. Déjà à l'époque, Toujours Moi n'était pas de la variété ordinaire, mais aujourd'hui on y revient avec d'autant plus de bonheur !