C'est une pochette bien difficile, qui ne manquerait pas de charme si elle était tournée autrement. Tout est étrange néanmoins, entre la photo d'une artiste de 50 ans à présent (un âge où l'on a plus ou moins recours à l'aide chirurgicale pour contrer les traces du temps), et ce lettrage basique et grossier en rose qui semble avoir été collé ainsi, sans soin particulier.

L'album, toujours chez Tracks mais premier d'Axelle RED distribué par Universal, porte le nom d'Exil, qui sous-entend une idée de fuite, volontaire ou non. Ce n'est pourtant pas un disque à contrepied des précédents, mais, sous la houlette de Filip Vanes, mari de la chanteuse et avec qui elle a déjà collaboré depuis le milieu des années 90, on a l'impression, eux comme nous, de ne pas trop savoir où aller.

Il faut dire qu'en 2018, nous sommes un peu entre deux entités, à savoir ce qui marche alors et ce que la dame a toujours fait. Exil ne trahit point ses productions passées, il s'ajuste seulement davantage aux sonorités pop d'alors, très proprettes et avec des voix retouchées de manière bien audible (mais pas trop dans son cas, ouf), des rythmiques au pad et autres médiocrités.

Ici, ces éléments 'novateurs' qui déshumanisent la musique avec évidence trouvent bien leur place, ou disons pas trop mal, ce qui est déjà beaucoup. Axelle RED a toujours été dans le haut du panier, avec une bonne main mise sur ce qu'elle veut et ne veut pas. Les concessions sont là, mais la classe demeure, même si pour "C'est Ainsi", on entend un peu plus les retouches vocales.

Mis à part la musique du "Mont des Regrets" co-composée avec l'Anglais Albert HAMMOND père, ainsi qu'un autre titre, "Quand le Jour Se Lève", avec la New-Yorkaise Shelly PEIKEN, dame RED collabore beaucoup avec le producteur danois Rune Westberg, qui affiche aussi Beth HART dans son CV, ainsi que - et surtout - le claviériste britannique Dave Stewart, pour le moins prestigieux avec un bagage rock progressif (EGG, NATIONAL HEALTH, HATFIELD AND THE NORTH).

Point d'audace musicale ici néanmoins, juste quelques sonorités très sympathiques qui se baladent, comme cette guitare saturée avec tremolo au beau milieu de "Who's Gonna Help You", à la soul groovy que RED mène toujours aussi bien et en français d'abord, contrairement à ce que l'on croit. Les 'ouh ouh' parviennent à ne pas être redondants, guère plus que les samples de "Excusez-Moi" avec son refrain plaintif qui se veut jeune. Sur ces deux titres, il est question, comme souvent avec Axelle depuis dix ans, de feeling post-rupture, de regrets.

Et le tout, colère, tristesse, musique, se mêle avec un certain sens de l'efficacité, mais pas forcément sur le long terme. "Le Plus Beau Reste à Venir", dernier titre de l'ensemble, malgré son message humaniste et une belle production planante, semble un tantinet forcé. La pop sensuelle de "Un Ami", avec toujours ce beau piano Wurlitzer, se laisse volontiers savourer, de même que l'aérienne "Quand le Jour se Lève", mais rien de mémorable.

Et puis si "Le Grand Retour" est splendide, le choix d'un instrumental isolé au milieu de tout le reste, toute une carrière même, a de quoi laisser perplexe. Reste "Gigantesquement Belle" et son titre très RED tout comme le sont devenus, avec le temps, ces guitares folk (électriques et acoustiques), cette folle élégance, même cette caisse claire martiale à la fin.

Idem de "Mont des Regrets", ses grands espaces américains teintés de soul, ses cuivres qui, après une légère apparition sur "Excusez-Moi", s'illustrent encore mieux ici. Et même si là aussi, le souffle semble être un peu retombé, il y a néanmoins "This Girl's Gonna Kill Me" pour rappeler combien dame Axelle est sexy, avec ce mordant cette fois dirigé vers une autre 'elle'. Un disque honorable.