Pour Axelle RED, Jardin Secret reste l'ultime incursion dans les charts français avec un disque d'or au bas mot mérité. À partir de 2009, la dame rousse belle et talentueuse demeure une célébrité confinée à la Belgique, où elle jouit toujours d'un fort succès, y compris pendant la décennie 2010. Chose heureuse, car Sisters & Empathy avait tout pour amorcer un tournant bien plus brutal dans sa carrière, celui d'un effort très arty, trop difficile d'accès pour le grand public, même au nord des Ardennes.

Un double album, dix-neuf morceaux dont deux en français, et un choix d'instrumentation très limité (guitares, basse, batterie, pianos électriques Rhodes et Wurtlizer principalement), pour une étiquette versant quelque part entre la soul 70's et le rock alternatif, c'était franchement osé. Et cela peut déstabiliser beaucoup d'amateurs, même ouverts, se laissant guider par la voix d'Axelle RED qui prend peut-être ici plus de tons différents que jamais.

Très engagée, on le sait et notamment pour la cause des femmes, comme elle l'a révélé durant les mois qui ont précédé, Sisters & Empathy porte bien son nom pour marquer sans doute le passage d'Axelle RED du propos féminin à un autre féministe. La sensualité reste de mise, mais le mordant s'insère davantage que d'ordinaire, à commencer par les deux chansons en français, notamment "En Dessous de Zéro", dirigée à l'encontre des machos/maqueraux.

Musicalement, c'est une réussite indéniable parce qu'il y a aussi l'idée qu'une artiste se donne les moyens, tout en sachant qu'elle peut y perdre beaucoup. Le manque d'instrumentation diversifiée, renforcée par l'envie de s'éloigner des grosses productions, est compensé par une intimité certaine, un bel espace laissé aux musiciens, notamment les guitaristes Geoffrey Burton et Michael Toles, ancien de l'écurie Isaac HAYES tout comme Lester Snell (claviers).

On ne compte plus les bons temps de groove (à commencer par "No Right to Love", ou encore "Gotta Serve Somebody", la reprise du Bob DYLAN épisodiquement chrétien), de slows et autres moments crème ("Empathy", "Sister", "A Man So Respected", "Sold to the Man in Gold"). C'est très musical, grâce à la force de la latina-dark "Friends", du blues rugueux "She's Defective", de la west-coast pleine d'évidence de "Livin' in a Suitcase" ou encore de la soul la plus solaire, comme pour "Song Called Chip", "Mum Tell Your Son"...

Toutefois, pour progresser dans cet album, il faut être attentif et patient. Les idées les plus belles sont noyées dans un ensemble correct, pétri de bon vouloir. Le bât blesse quand il s'agit de la durée globale, de nombre de titres passables, eu égard d'autres, pas seulement parce qu'ils sont retenus bien mieux. Axelle RED, dont le timbre a pris quelques notes rauques, mène ce groupe avec une classe certaine, mais même si l'idée est louable, cette oeuvre double ne parvient pas à s'imposer sur la longueur. L'écoute est ardue, la récréation musicienne prend le pas. Rien de bien grave, et cela reste tout à son honneur.