Jardin Défendu marque un nouveau tournant dans la carrière d'Axelle RED plutôt constante depuis dix ans. Elle continue d'alterner entre sa vie de maman, sa deuxième vie d'artiste et sa troisième réservée à l'engagement caritatif et social, toujours aussi forte durant la seconde moitié des années 2000. Ce disque est cependant le dernier à être publié par Virgin, alors qu'il est le dernier à faire un aussi beau score en dehors du pays natal de la chanteuse, la Belgique : "seulement" disque d'or en France, ce qui ne sera plus le cas ensuite.

Bien que sa période forte soit désormais bel et bien derrière elle, et même en étant sur différents fronts de manière simultanée, on remarque dès la pochette combien Axelle RED tient également à soigner son image glamour auprès du public. Difficile de ne pas se laisser convier à ce qui apparaît comme l'album le plus sexy de la chanteuse belge, avec un niveau de qualité élevé d'un point de vue musical, réalisation...

Cette dernière nous plonge dans une ambiance live avec un son très chaleureux, des instruments en quantité limitée (moins de claviers, de programmations) et tous proche dans le studio de manière apparente. Studio de Memphis, Tennessee, et pas le moindre car il s'agit du Royal Recording, où de grands artistes soul des années 70 (Ann PEEBLES, Al GREEN...) ont fait leurs armes. Le maître à penser de l'époque, Willie MITCHELL, arrangeur-producteur etc, est toujours vivant au moment où vient Axelle RED, même si on parle là de ses dernières années (il décède en 2010). En revanche, son fils Boo supervise bien l'enregistrement de ce Jardin Secret.

Hormis l'armada de musiciens employés aux cordes et aux cuivres, on remarque que pour la base rythmique accompagnatrice, la chanteuse a voulu retrouver l'esprit de son deuxième album, À Tâtons, en un format de durée plus raisonnable. Avec Steve Potts (batterie), Michael Toles (guitares), Charles 'Skipp' Pitts (invité guitare), et le pianiste-orchestrateur Lester Snell, plus régulier auprès de RED, cette dernière est de nouveau entourée par les meilleurs appuis de Isaac HAYES (absent cette fois-ci, et lui aussi dans ses dernières années), Al GREEN (même si pour Steve Potts, c'était plus la période bondieusière), Ann PEEBLES, Albert KING...

Une fois de plus, ça joue, sans perdre l'auditeur de chansons lambda et encore une fois sans longueurs regrettables. L'unité de Jardin Secret est plus flagrante que celle de À Tâtons grâce à un effet de réussite présente de bout en bout, moins de tubes certes mais des morceaux fort bien écrits, peu calibrés et pourtant ! Le jazz smooth de "Changer ma vie" nous offre une Axelle RED espiègle et toute mignonne sur un plateau d'argent, si l'on peut qualifier autrement les guitares et clarinettes. On a beau vouloir changer de vie, on ne trouve pas toujours forcément mieux, c'est bien vrai !

"Perles de pluie" constitue une autre splendide prestation de la belle demoiselle rousse qui s'échappe en falsetto dans des aiguës adorables, imitant la pluie (pour illustrer mieux le texte) et s'autorisant même une fausse fin de toute beauté. Autre slow gracieux à envolées vocales, doté d'une finesse musicale qui se ressent jusqu'à la conclusion en apesanteur, "Papillon" est un titre plein de sérénité, parlant d'amour de façon libérée puis angélique. On se rapproche un peu de "Sensualité" sur "Temps pour nous", dans un style pop-soul lente.

Les saxophones apportent un complément idéal à la voix d'Axelle RED et une belle couleur à "Jure !", "Pas compliquer", ou encore "Ce dont le monde a besoin". Ce dernier titre, entre rose pur et optimisme, s'inscrit dans un chapelet commun avec "Romantique à mort" (excellent piano félin), le chaloupé "Naïve", et le magnifique "Si tu savais – Janelle", dédiée par une maman chanteuse à sa petite qu'elle voit grandir.

Quelques titres se situent à part comme "Utopie", déclamation en douceur inspirée par les engagements divers et un peu plus ancrée dans la folie musicale, basse lourde et effets tribaux dehors. Avec "Jardin secret", Axelle RED fille de la patrie qui a révélé Jacques BREL se réserve une chanson à l'ancienne, juste en piano-voix, mais pour une "invitation sexy", prolongée par "Fruit défendu", blues lent et bien balancé de nouveau avec rythmique forte, chanteuse qui se fait chatte et en anglais... Une suite faite de deux temps différents, mais ô combien pensée avec goût !

Vraiment, il est regrettable que l'on ne mentionne pas davantage ce disque à côté des premiers. Malgré l'absence de tube, il reste mon préféré d'Axelle RED !