En retournant la boîte du CD, on pourrait croire que Beer SQ est la suite de Cafe SQ. Pierre de taille, boiserie, ferronnerie et verrerie : on y retrouve le même type de lieu occidentalisé. Mais il n’est plus question de tasse mais de pintes, et l’ambiance y semble beaucoup plus décontractée. La mousse déborde, les assiettes sont remplies de boustifaille moins raffinée. Le choix de la pochette s’est finalement porté sur l’extérieur. Si Cafe SQ se voulait rassurant et calme, Beer SQ fait au contraire dans le tapage nocturne en extérieur.

Cet épisode se veut donc festif. On ne parlera pas ici de remix, mais plutôt d’arrangements. Au revoir la parure électronique qui avait jusque-là envahit l’essentiel des albums de la série des SQ, celui-ci se veut essentiellement acoustique. Le choix des titres repris est même assez logique. Quoi de plus joyeux que les thèmes du "Golden Saucer" de Final Fantasy VII (un parc d’attraction) ou celui de la foire du millénaire de Chrono Trigger ? On est presque surpris de ne pas retrouver le moindre arrangement de Final Fantasy IV, le plus celtique des ouvrages de Nobuo UEMATSU. Mais les reprises de "Can you Fly Sister" de Seiken Densetsu 3 (renommé depuis Trials of Mana) et "Roman and Vorspiel" de SaGa Frontier 2 lui donnent assez bien le change.

Les arrangements arborent donc un panel d’instruments conséquent. Tous les titres ne sont cependant pas aussi garnis, on passe donc du mini orchestre (10 personnes) de ELEQUESTA OF TABLA à l’intimité d’un duo pour Alaya VIJANA et sa chanteuse sur l’éternel thème principal de Final Fantasy (quelques nappes électroniques repointent le bout de leur nez ici). De fil en aiguille, la soirée se fait en effet moins festive et plus intime. Les lumières s’éteignent les unes après les autres, et il n’y a guère plus que quelques huluberlus venus de contrées ensablées pour maintenir l’ambiance auprès du feu au beau milieu de la nuit étoilée.

Ce qui nous amène logiquement sur la classification d’un tel album. Si tous les indicateurs nous orientent vers de la musique traditionnelle Européenne (ou au moins occidentale) à majorité celtique, de nombreuses variations nous entrainent vers d’autres contrées. On ne sait jamais trop dire si les guitares sont celles du Rio del Plata, d’un blues donné sur le perron d’une vieille bicoque au fin fond du Texas ou si tout au contraire, en fait de guitare, on nous joue de la balalaïka toute triangulaire. L'ennui avec la bière, c'est que quand on en boit trop, on commence par faire pipi partout et au final on ne sait plus trop où se trouve la maison. Sommes-nous sur les rives du Danube, de la Volga, du Mississipi ou du Shannon ? Difficile à dire. On va conclure une fois de plus sur une classification World Music guère satisfaisante, mais induite par le cosmopolisme de cette production. Ce n’est pas la reprise de l’excellente "Spinash Rag", qui passe finalement par un medley de nombreux personnages de Final Fantasy VI et tout autant de styles enjazzés, qui va contredire cette affirmation. Beer SQ nous fait savourer maints breuvages houblonnés, produits de par le monde entier. Exception faite de l’Afrique, malheureusement, comme d’habitude.

La variété instrumentale ici de mise explique probablement pourquoi le nombre de titres a été réduit à 8. L’album existe cependant dans une version limitée pourvue d’un disque bonus sans grand rapport. Bien que seulement doté de trois pistes, il fait plus que doubler la durée de l’ensemble. "Sword of the Far East" de Unlimited SaGa est très extrème-oriental dans l’esprit. Son violon est larmoyant, donc l'intention est directement à l'opposé de l’entrain festif de Beer SQ. On suppose qu’il s’agit d’un titre qui n’a pas trouvé suffisamment d’alter-égos pour faire l’objet d’un disque SQ dédié à la musique traditionnelle orientale. Dommage, il y avait là du potentiel. Bien des titres de l’écurie Square-Enix (on pense à Final Fantasy X) auraient pu convenir à pareille épopée.

Ce curieux disque bonus nous livre par la suite 2 parties bien différentes du "SQ Party Level 3 Live Set". Le reste est au conditionnel car je ne maîtrise pas le Japonais. Ce concert aurait possiblement été donné le 25 Avril 2012 au 2.5D, bien qu’aucun public ne se fasse ici entendre. La première partie est un mix composé de titres tirés des albums précédents de la série. Je ne maîtrise pas suffisamment les Kanjis pour vous préciser qui en est l’auteur. Si la technique est héritée du monde de l’électro, la variété des genres arborés forme un immense gloubi-boulga difficile à suivre. La seconde partie est de Hige DRIVER, artiste spécialisé dans les musiques de jeux-vidéo et d’anime. Plus focalisée sur les chiptunes, cette seconde moitié survitaminée nous replonge directement dans l’ambiance de l’album SQ Chips. Le disque est donc déséquilibré, mais non dénué d'intéret.

Disque Bonus ou non, Beer SQ est le plus chaleureux de la série. Si vous n’êtes pas adeptes d’EDM, il se pourrait même que vous trouviez là le seul album, avec Cure SQ, digne d'intéret pour vous. Pour les autres, Beer SQ vaut bien un Final Fantasy IV Celtic Moon. Soirée mémorable et appréciable, mais pas de quoi se relever une fois le plumard enfin retrouvé. Pas de gueule de bois à prévoir non plus, c'est déjà ça de pris. Prévoyez le pot de chambre si vous avez passé la cinquantaine, au cas où. La bière c'est diurétique, c'est bien connu...

(1) Il est parfois caché dans des medleys, mais il me semble bien qu’ils ont réussi à nous le coller sur tous les albums de la série !