Comme je le disais dans ma chronique de Cure SQ, les sorties s’étiolent et l’agenda se vide. Trop d’albums tue les albums ? Visiblement Square-Enix est tombé à court d’idées pour sa série des SQ… Rappelons qu’il s’agit d’albums d’arrangements de musiques de jeux-vidéo, principalement des RPG, la plupart étant sortis dans les années 90, chaque album empruntant à un genre particulier, plutôt que de se concentrer sur un jeu. Pourquoi ne pas refaire tout simplement un SQ Chips 3 ? Qu’en sais-je ! 2014 fut donc dédiée à un seul album, ce SQ Swing. Cette cuvée n’a malheureusement rien d’extraordinaire, tout ceci sent légèrement le réchauffé et l’usure. Le réchauffé car 4 des 12 titres qui jalonnent cette galette sont repris de sorties précédentes (1). L’usure car malgré le titre « Swing » et la pochette à la patte Jazz qui sont supposés nous donner une indication, on cherche la cohérence, l’idée d’ensemble, un fil conducteur tel Thésée à la merci du Minotaure, perdu dans son Labyrinthe.

Sans doute la présence d’artistes multiples, aux horizons probablement divers, qui ont déjà sévi sur d’autres albums pour certains (forcément, étant donné les redites) n’aide pas à créer une connivence. D’autres albums de la série, qui voyaient défiler plusieurs formations, n’ont pas eu ce problème. Peut-être les nombreux medleys qui s’égarent entre thèmes connus et free Jazz forment eux-mêmes des mini-labyrinthes à l’intérieur d’un complexe à plusieurs étages. SQ Swing, tel un rogue-like hardcore (2), étale ses friandises de façon aléatoire mais procédurale : une fausse complexité masquant un manque flagrant d’idées fraiches.

Si l’on prend une grosse loupe, tel Basil détective privé, pour regarder de plus près, on découvre les indices d’un album qui partait pourtant sur des bases solides. "Organisation XIII ~ The 13th Struggle ~ Fragments of Sorrow ~ Dearly Beloved", une brassée de thèmes avec envolées au piano provenant de la série Kingdom Hearts, qui rendrait Yoko SHIMOMURA fière de ses petits rejetons. C’est malheureusement la seule offrande du groupe FOX CAPTURE PLAN, qui lui seul, semble avoir compris le truc. On s’étonnera même de ne pas retrouver ici le thème de Traverse Town, du premier jeu, qui avait déjà cet ADN jazzy. Plus loin, la guitare presque gitane de "MEGALOMANIA" tiré de Live A Live, a également ce côté entrainant, cette invitation à la fête que l’on cherche désespérément sur le reste de l’album. RF, ici présent, est pourtant coupable de la plupart des fours qui pénalisent le disque. Le gras de l’album est en effet composé de titres où le batteur s’écoute jouer. Mention particulière pour le medley tiré de Final Fantasy IV, particulièrement éprouvant. Ce ne sont pas les seuls fautifs, la version ici présente de "Melodies Of Life" donne des envies de meurtre (et c’est quelqu’un qui a survécu à de multiples écoutes de Final Fantasy Pray qui vous dit ça !).

Dans des veines plus tranquilles, les titres provenant de Chrono Trigger s’en sortent un peu mieux. Peut-être grâce à Yasunori MITSUDA lui-même (le compositeur original), qui avait déjà montré la voie avec son album The Brink Of Time, déjà emprunt de cette touche jazzy, si étrangère à l’archipel nippon. Tout ceci prend son temps et, à la manière de l’album précité, manque de chaleur pour réellement nous émouvoir. C’est propre et bien fait, cela s’égare malheureusement dans un album qui pour le reste, faute à de trop nombreuses reprises.

Ce qui vous marquera le plus, à n’en pas douter, ce sont l’introduction et la conclusion, sifflées et donc intégralement réalisées à la bouche (pas de chats ici, de toutes façons les chats c’est rien que des branleurs). Prise identitaire avec l’album, on sera surpris à ce premier contact, qui a un quelque chose d’artificiel, à l’opposé direct des flutes nostalgiques de Cure SQ. C’est peut-être le côté Jazz qui veut ça, mais ces enchainements qui sonnent faux, cette impression d’arriver au beau milieu d’un thème après s’être égaré, cette simplicité orginelle qui se perd constamment dans des détours incongrus, ne nous touchent simplement pas.

(1) Cf. le line-up qui vous propose ici plutôt la liste des formations ou interprètes solistes, avec les numéros de pistes correspondants.
(2) La métaphore n’est pas évidente. Mais si vous avez joué à Diablo, vous savez ce qu’est un rogue-like. Sinon, disons que c'est un jeu dont les niveaux labyrinthiques sont créés aléatoirement. En théorie ça se veut génial, car deux parties ne se ressemblent jamais. Dans la pratique, c'est barbant.