Seule suite explicite de cette série d’albums, SQ Chips 2 reprend donc la formule Chiptunes qui avait si bien fonctionné. Compte tenu de ce qu’on avait principalement reproché au précédent, à savoir son nombre de titres excessifs, la sobriété relative dont fait preuve cette suite à ce sujet devrait logiquement nous faire applaudir. Si tout était aussi simple en matière de musique, il y a longtemps que nous n’aurions plus rien à écrire à son propos.

Je n’ai pas besoin de longuement épiloguer sur le fait que SQ Chips 2 est un bon album. Je vous renvoie à la chronique du premier pour l’explication de l’heureuse formule ici réappliquée. D'ailleurs, saviez-vous que ce principe régressif n'a pas été appliqué qu'aux musiques de ces jeux-vidéo ? Il existe en effet l'inverse de la tendance 'remakes' que subit le domaine actuellement, à savoir des 'demakes'. Bien souvent, il ne s'agit que d'une vision d'artiste limitée à quelques éléments, parfois simplement la boîte du jeu ou quelques écrans fixes simulés. Certains furieux poussent le concept loin, au point de sortir de réelles adaptations jouables, mais plus limitées techniquement. Ce n'est d'ailleurs pas toujours qu'une vision artistique ou le fruit du travail de quelques passionés acharnés. L'un des premiers jeux à avoir subi pareille 'défonte' en 2005, donc bien après sa sortie initiale en 1997, fut Final Fantasy VII. Il a en effet été adapté sur console NES, mais exclusivement pour le marché chinois ! Beaucoup de jeux ont également été adaptés sur Master System bien après la fin de vie supposée de la console de SEGA, cette fois-ci pour le marché brésilien. Ca ne s'invente pas !

Revenons à l'album. Pourquoi SQ Chips 2 est-il seulement bon ? Son principal défaut est le choix de quelques titres trop aventureux.

En piste 10 de cet album, vous trouverez en effet une reprise du "Boss Battle" de Bahamut Lagoon composé par Noriko MATSUEDA. Cette compositrice n’est pas (re)connue, et pour cause : seuls 2 jeux n’incluant pas celui-ci (snirf) et dont elle a signé la bande son ont été exportés jusqu'en Europe. Le premier, The Bouncer, n’a pas fait date. L’autre en revanche a suscité des réactions si négatives qu'il a signé la fin de sa carrière. Tous ceux qui ont osé y jouer sans couper le son savent pourquoi, il s’agit de Final Fantasy X-2! Il n’était certes pas facile de succéder à Nobuo UEMATSU, mais elle n'avait définitivement pas le niveau. Si MATSUEDA a fait mieux (1), ce "Boss Battle" est cependant exécrable au même titre que bien des ratés de FFX-2. MATSUEDA aime le Jazz Fusion, visiblement KPLECRAFT son arrangeur aussi. En ce qui me concerne, a priori, pas du tout. Je ne suis pas le seul. Que c’est moche !

Junya NAKANO vient également s'inviter sur cet album. Lui a lourdement fauté sur le Final Fantasy X original. La reprise du "Hills of Jugon" de Tobal n°1 déroge néanmoins à la formule, fort heureusement. BOKKADENcI l’arrangeur sauve presque le titre original grâce à un audacieux melodica. Celui-ci tire toutefois dans les longueurs. Takeharu ISHIMOTO par ailleurs, n’est pas le meilleur compositeur au monde non plus. "The Order That Must be Protected" tirée de Dissidia FF est donc correcte, mais sans plus.

Outre les compositeurs fallacieux, on peut également déplorer deux choix de titres moins heureux chez les autres, à savoir les introductions de Final Fantasy Tactics et Chrono Cross. Deux compositions magnifiques moins adaptées à cette régression 8-bits compte tenu de leurs sections lentes. Enfin, côté arrangeurs il n’est pas toujours facile de retrouver "The Highwind Takes to the Skies" sous les multiples couches inventées par NOREASON. Ça passe, mais c’est limite.

Fort heureusement, il y a également de très bons points sur cet album de fait assez déséquilibré. SEXY-SYNTHETIZER revient de nouveau en forme et conclut l’album avec brio sur un medley de Live a Live. Dans ce même esprit candide, positif et rafraichissant le reprise de Legend of Mana est également très réussie. La régression subie par "Seymour Battle" lui va de même à ravir. Son côté très rétro d’origine est désormais totalement assumé.

La meilleure surprise de l’album est sans nul doute cette étrange version de "Graylands Incident Climax". Les phylactères muets de Vagrant Story ont ici laissé place aux bruitages des dialogues de Dragon Quest V (ou VI). On y entend même sa très succinte fanfare de victoire (faite d'une gamme dissonante de 4 ou 5 notes? La vitesse m'empêche de bien les discerner...). Il s’agit là, mine de rien, de l’un des rares produits estampillés Square-Enix (2) où l’on retrouve à la fois les pattes de Squaresoft et d’Enix.

On ne citera pas tout. Le fameux air de BACH est même évoqué sur cet album qui part un peu trop en vrille. Dans la globalité, les bonnes surprises neutralisent les mauvaises. Si vous avez aimé le premier SQ Chips et que vous en avez fait le tour, il serait dommage de ne pas donner une chance à ce deuxième essai. On regrette d’ailleurs que Square-Enix n’ait jamais tenté de produire un SQ Chips 3. La formule était bonne, cela ne fait aucun doute. J’aurais adoré que SEXY-SYNTHTIZER prenne en charge un album complet, à l’image de ce qu’a fait le KURICORDER QUARTET sur Cure SQ. Limiter le nombre d’arrangeurs pour ne conserver que les meilleurs d’entre eux tout en leur laissant les mains libres quant aux compositeurs est sans doute ce qu’il aurait fallu faire. Mais comme ce SQ Chips 2 était déjà le 6ème album sorti en à peine plus d’un an, les fans n’ont donc pas pu suivre le rythme imposé. Les ventes des derniers albums de cette série SQ ont probablement été décevantes. Dommage, le potentiel était bel et bien là.


(1) Il y a de jolies choses par ailleurs sur l’OST de Bahamut Lagoon. Nous reparlerons de MATSUEDA à l’occasion d’une chronique de l’OST de Front Mission son premier jeu, où elle était chapeautée par l’illustre Yoko SHIMOMURA (Street Fighter 2, Kingdom Hearts…).
(2) Le seul d’ailleurs, exception faite de la série de party games Itadaki Street, me semble-t-il ? J’ai sûrement loupé d’obscures exclusivités. Dès que l'occasion s'est présentée en effet, Nintendo et SEGA, rivaux d’hier et alliés d’aujourd’hui, ont fait cohabiter Mario et Sonic. Il est en revanche assez surprenant de constater que malgré la fusion Square-Enix, les lisenses respectives de Squaresoft et Enix ne se soient pas plus cotoyées. Le multivers très permissif de la série Kingdom Hearts semble être une terre d'accueil rêvée pour quelques personnages de Dragon Quest. Akira Toriyama est responsable du design de cette série au même titre que pour Chrono Trigger. Même dans leurs épisodes Theatrhythm respectifs, les deux ex-sociétés sont restées dissociées, jusqu'aux DLC. C’est fou, non ? Dans les jeux vidéo, on a eu des réunions absolument improbables comme SNK vs Capcom, Tekken vs Street Fighter, Alen vs Predator (avant d’avoir 2 films !) et même Robocop vs Terminator (sisi, sur Megadrive). Il existe même un Megaman officiel où les boss sont des personnages de Street Fighter ! Ce n’est pas comme si les Japonais étaient allergiques aux mélanges, bien au contraire. Pardon, si, j’oubliais, il y a des personnages de Final Fantasy et Dragon Quest au milieu de tous les autres dans le dernier Super Smash Bros. Mais chose assez dingue, ce n’est même pas un jeu de Square-Enix !