Depuis quelques années déjà, du côté du soleil levant, parait une série d’albums ayant pour substrat de départ une idée bien précise de la musique de jeux-vidéo. L'élan initial fut donné par Love SQ, un album fait de quelques arrangements au piano avec pour une fois un accompagnement. Après quelques sorties, alors que la mode rétro des chiptunes bat toujours son plein (sisi, elle le bat, et elle tape fort !), SQ Chips venait prendre la tendance au pied de la lettre, remixant des musiques de jeux vidéo modernes en version 8 bits typées années 80. Là, vous vous dites avec votre grosse voix d’Obélix, « ils sont fous ces japonais ». Pour être précis, il s’agissait de s’inscrire dans la véritable tendance actuelle, en plaçant les sonorités synthétiques de notre enfance dans un écrin électro bien plus moderne. Le gros changement, par rapport aux habitudes prises depuis la Dragon Quest Symphonic Suite initiale, est qu’on s’éloigne totalement des ambitions classiques des débuts. Autre particularité, on vogue d’un compositeur à l'autre avec une réelle cohérence au sein de l’album. A l'opposé donc, des OST et réorchestrations formant des compilations hétérogènes, la série des SQ est une véritable bouffée d’air frais dans le domaine.

Les albums se sont depuis multipliés comme des petits pains : Battle SQ, Cafe SQ, Beer SQ, More SQ… Chacun, avec un trait particulier, reprend le répertoire des jeux vidéo Square-Enix à sa manière : Chillout, Jazz, Dubstep/House façon SKRILLEX, virée celtique dans les bars… Force est de constater que le phénomène part dans toutes les directions. Le petit dernier, seule sortie de 2013 marquant un ralentissement de la cadence, est un peu plus particulier.

Loin de s’adonner à un « autre » genre, on renoue en quelque sorte avec l’ambition nostalgique primitive à l'origine de la série d'albums. L’arrangement est ici fait d’un quatuor de flutes à bec, d’un ukulele, de quelques percussions exotiques voire de cuivres pour le volume, toujours réduits au plus petit nombre. Avec une fidélité remarquable, l'ensemble rejoue les partitions d’origine, à quelques additions près, et ça fonctionne ! Avare en trémolos pour notre plus grande satisfaction, le Kuricorder quartet ne cherche pas la prouesse esthétique d’un Maurice Steger (1) ou d’un Dan Laurin. En respectant toutefois à la lettre quelques partitions qui ne laissent aucune pause pour respirer, ils réussissent une véritable prouesse technique.

Du côté des reprises, que l’on connaisse ou pas les mélodies d’origine, qui n’avaient jusque là pas toutes quitté officiellement l’archipel, c’est un enchantement permanent. Final Fantasy IV et son côté tragédie grecque, dont tous les éléments, un par un, demandaient un effort d’imagination particulier pour faire leur effet, renoue avec son côté enfantin de façade. En repassant par la case des pantins de bois articulés qui jouent mécaniquement, le château de Baron se pare d'un côté martial machiavélique faussement enfantin. A l’inverse "Battle with Gilgamesh" devient une promenade champêtre, à siffloter, n’ayant plus rien de la fresque épique originale.

Dans ce souci de titiller l’enfant-joueur qui est en nous, Cure SQ prend bien soin de ne pas dépasser l’année 1995 question compositions. Tout ici a initialement été joué par des processeurs sonores très limités. Pour aller plus loin dans le temps, il aurait fallu plus d’instruments à la fois. Ici, quelle que soit la combinaison, on se limitera toujours à 4. Cure SQ renoue avec la simplicité mélodique des origines du jeu vidéo japonais, avec ses mélodies entêtantes, cycliques, mais pourtant réussies. On navigue entre le UEMATSU des grands jours (Final Fantasy IV, V et surtout VI), Yasunori MITSUDA (Chrono Trigger), Yoko SHIMOMURA (Live a Live ici)(2) ou le moins connu Kenji ITO (Romancing Saga), que du beau monde. La sélection est pour le moins réussie, avec quelques évidences encore rares sur disque accompagnées de thèmes qui se faisaient désirer. L’excellente "Slam Schuffle" à titre d'exemple (la musique de la ville de Zozo sur Final Fantasy VI) se pare de tout le ridicule possible, guimbarde à l’appui, pour nous faire jubiler.

Cette petite boîte à souvenirs ne souffre pas de défauts. Quand elle joue la sécurité, comme en reprenant le thème un peu trop convenu du prélude de la série Final Fantasy, elle lui ajoute un développement avec une ligne mélodique supplémentaire en contrepoint. Une deuxième voix superbe, qui transcende véritablement le morceau. Tout l’art ici réside dans la simplicité. On dit qu’une œuvre atteint la perfection quand on ne peut plus rien lui retirer, c’est ici chose faite. Reste à savoir si le temps qui passe, jouera en sa faveur...

(1) Un grand nom de la flûte, je vous renvoie à une vieille chronique de suites et concerto pour flûte à bec et orchestre de TELEMANN.
(2) Plus connue pour avoir composé les BO de Street Fighter II en partie, Parasite Eve et surtout Kingdom Hearts.