Le visuel tout d’abord ! Bien que le CULT ne soit pas connu pour ses pochettes extravagantes, avec cette image primaire de serpent sous un demi-cercle peu lumineux, le groupe plonge cette fois dans la minimalisme le plus total. Le voici de retour chez nos amis amérindiens que Ian Astbury admire tellement depuis toujours. A force de revenir sans cesse sur son passé et ses influences, on est en droit de se demander vers quel style va pencher cet album. Au moins, la constante qualité ne risque pas de bouger, c’est une quasi certitude. Mais 31 minutes, cela est bien court ! En tout cas, les frères ennemis continuent de parvenir à collaborer pour sortir un album de manière régulière, il s’agit de leur 'seulement' onzième.

"Mirror" nous replonge dans les effluves de Love quelques quarante ans auparavant. Pas une mauvaise référence au demeurant. Il est juste amusant de constater qu’après une si longue carrière, le groupe se retrouve d’un seul coup en position de donner un successeur à son classique de Post Punk. Les guitares claquent et sont rageuses, et Ian répète à l’envie Love love love, comme pour se conforter dans l’idée que c’est la bonne démarche. Ce son de gratte tout de même , c’est quelque chose, hein ? Le chant de Ian est posé sur "Vendetta X", avec cette fois un beat de sequencer inédit chez nos amis de Manchester. Pas mal d’écho et de reverb', mais la guitare de Billy Duffy tonne comme elle sait si bien le faire. La compo' est alambiquée et le refrain manque un brin de chien pour réellement briller.

On reconnaît sans problème les structures légendaires des chansons de Ian et Billy sur "Give Me Mercy", qui ne trompe personne. Bien sûr, le travail est de qualité, mais ne manque-t-il pas un peu d’originalité désormais ? La formule magique est battue, rebattue et, même si le titre ne manque nullement d’efficacité, comment le mettre en concurrence avec les glorieux standards du groupe ? Donnez-moi un "She Sells Sanctuary" nom de dieu ! "Outer Heaven", qui propose un refrain intéressant mais par trop répétitif, nage dans l'océan de l'alternatif. Certes, les rythmiques de Billy sont superbes et les arrangements très sympas, mais il me manque un je-ne-sais-quoi pour être réellement satisfait.

"A Cut Inside", à la légère distorsion et à l'ambiance quasi-cold, post-punk voit le retour des premières heures du rock indépendant alternatif. Le bridge se laisse bien apprivoiser et le son ne trompe pas : fini, les rythmiques à la LED ZEP et retour à la case départ ? On retrouve les habituels rythmes de batterie, ainsi qu’un son plus proche de celui de BIG COUNTRY que de AC/DC, c’est un signe qui ne trompe pas. Ecoutez cette gratte à la Daniel ASH sur "Impermanence", cette basse à la BAUHAUS. Ouais… on est de retour en 80, lorsque Billy apprit à un certain Johnny MARR comment faire sonner sa gratte. Et voilà comment placer mes trois gratteux d’alternatif préférés dans la même phrase, z’avez vu ? Ouais, on s’en fout, mais admettez tout de même qu’on a rajeuni de plus de 40 berges, c’est beau, non ? Probablement, le titre de cette livraison.

Petite ambiance quasiment sud-américaine sur l’intro de "Knife Through Butterfly Heart". Le titre s’écoule et reste cool, avec les rimes cependant un peu trop simplistes de notre Mr Astbury qui ne s’est pas trop foulé sur le moment. Le riff se fait ZEPPELINien et apporte une touche hard-rock bienvenue. On a vite envie de headbanguer. Billy se lance dans des circonvolutions toujours limpides. Pas question de passer le mur du son. Un thème bien crépusculaire embraye "Under the Midnight Sun", ensemble de cordes et guitares désertiques. Evidemment, comme souvent avec The CULT, l’influence amérindienne y est forte. De jolies nappes de synthés, une guitare cristalline et une ambiance de B.O quasi-James Bondesque. Un bel exercice de style doublé d’une belle mélodie au chant de Ian Astbury sur un morceau qui en impose.

Le principal défaut de cette livraison 2022 réside dans sa durée. Franchement, sortir un album d’une demi-heure à notre époque est franchement critiquable. Certes, tous les titres sont bons, le CULT se plante rarement au niveau des compositions. Ian semble en forme, en verve, alors que le guitariste ex-décoloré assure les cachous aux riffs et aux structures. L’album vaut beaucoup pour les ambiances que Billy Duffy parvient à tricoter avec sa fabuleuse Gretsch White falcon, celle que nombre de guitaristes lui envient depuis toujours. La note flirte à nouveau avec le 3,5, mais je reste sur un autre 3 sévère, j’en ai conscience. 3 titres de plus auraient été de bon aloi.