Après le moyennement réussi et étrange Scenario qui marquait une très nette rupture avec ses années Jazz-Rock, Al DI MEOLA revient en 1985 avec deux albums enregistrés presque simultanément à New-York et sortis coup sur coup : Cielo e terra, un album quasi-solo, et Soaring Through a Dream paru sous la signature du Al DI MEOLA PROJECT utilisée pour la première fois.
Cette dimension expérimentale est bien présente dans le disque, Al nous proposant une musique telle qu’il n’en avait jamais enregistrée, très onirique et atmosphérique, marquée par de fortes influences brésiliennes et avec plusieurs titres chantés. Exit les sonorités électriques habituelles et les traits supersoniques à la Gibson SG. Al se manifeste ici essentiellement à travers sa guitare acoustique et, surtout, par une utilisation intensive de la guitare Synclavier permettant de jouer avec une palette de sons proche de celle des claviers. On note que le style de la pochette change également, renvoyant une image plus lisse (adieu la barbe) du musicien américain.
L’influence de Airto Moreira, percussionniste et chanteur brésilien, qui co-signe trois morceaux, se fait clairement sentir, le reste du groupe se composant du pianiste new-yorkais Phil Markowitz, du bassiste Chip Jackson et du batteur Danny Gottlieb, ex-du PAT METHENY Group. A noter enfin que l’album ne comporte que six titres pour 49’ de musique.

Commençons par les trois titres à l'écriture partagée avec le musicien brésilien. "Capoeira" est une longue 'samba progressive', dotée d’une belle ligne de chant et d’une montée en intensité parfaitement orchestrée. Al alterne les passages acoustiques avec des traits de synclavier très mélodieux. A noter la qualité du jeu du groupe, batterie en tête, mais les lignes de piano et de basse sont également de très belle facture.
"Marina" révèle également de très jolies mélodies : après une belle et langoureuse intro, on retrouve quelques traits de guitare électrique en mode 'Chill' avant que le chant évanescent de Moreira, bien appuyé par de jolies lignes de basse, vienne tapisser l‘ensemble de douceur et d’évasion.
"Soaring Through a Dream est une superbe composition très ambitieuse de 12’25. On y trouve des parties de guitare acoustique vigoureuses, bien appuyées par de beaux arpèges de piano, ainsi qu’une tension dramatique plus marquée et de nombreuses variations rythmiques et harmoniques que Al agence parfaitement. La ligne de chant est superbe et sa montée en puissance et intensité une nouvelle fois parfaitement amenée et orchestrée. Au-delà de son influence brésilienne dominante, le titre propose quelques séquences plus purement Jazz. Sur une d'entre elles, Al pose un solo plein de dextérité, bientôt imité par le piano de Phil Markovitz. Un très beau titre décidemment.
"Traces of a Tear" est une nouvelle superbe et longue composition de Al, reprise d’ailleurs en ouverture de "Cielo e terra", qui permet à l'Américain de tisser de superbes mélodies avec sa guitare synthé, grâce notamment à des effets de voix de très belle facture, et qui ont finalement peu vieilli. Il y a même un solo avec un son de trompette, et ça sonne très bien.
"Broken Heart" est une pièce un peu plus courte (plus de 6’ tout de même) qui prend son temps pour installer un bel et lent échange entre le piano et la guitare acoustique. Le titre évolue peu à peu dans une atmosphère nostalgique et introspective, avec une nappe de claviers et une basse profonde qui portent les jolies notes de Phil et de Al.
"July" enfin est un morceau beaucoup plus enlevé, un peu à la façon du "Eighteen" du PAT METHENY GROUP. La batterie est dynamique et les claviers parfois évocateurs des lignes de Ian Hammer. Ce titre est sympa mais plus anecdotique que le reste.
Que penser finalement d’une telle œuvre ? Elle est clairement inhabituelle pour Al DI MEOLA, mais qui fait l’effort de le suivre dans son évolution reconnaîtra sa superbe patte de compositeur et la beauté des titres proposés, le regret venant évidemment de l’absence des traits virtuoses à la guitare électrique (mais il y a largement de quoi s’en repaître dans les cinq premiers albums du guitariste).

Ce disque m’a toujours plu, nimbé d’une atmosphère sereine et emplie de beauté, je l’écoute régulièrement quand je suis d’une humeur propice, d’autant plus que je ne trouve pas le son daté. Ne vous privez pas de ce plaisir.