AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Après Midnight Express (1978), American Gigolo (1980) et Foxes (1980), Giorgio MORODER signe avec Cat People sa quatrième bande originale de film, et sa deuxième collaboration avec le réalisateur et scénariste Paul Schrader. Le film met en scène les frère et sœur Paul et Irena Gallier, dont la famille est frappée d’une malédiction héréditaire.

Cat People, l’album, reprend peu ou prou la formule de American Gigolo: une chanson emblématique suivie de pistes électroniques instrumentales, parmi lesquelles des reprises du thème de la chanson – à la différence qu’une seconde chanson figurait à la suite de "Call Me" sur American Gigolo. La chanson-titre est, une nouvelle fois, excellente. David BOWIE y est impérial, avec une mixture de synthétiseurs et de rythmique électrique, typique du début des années 1980, quand les boîtes à rythme et synthétiseurs digitaux n’avaient pas encore phagocyté les instrumentations. Le thème est splendide, le refrain hautement sensuel fermant la chanson en ad libitum. Le sous-titre "Putting Out Fire", "éteindre le feu", fait référence à la malédiction de la famille Gallier : ne pouvoir s’accoupler qu’entre frère et sœur" sous peine de se transformer en panthère, auquel cas seul tuer un humain permettra de retrouver sa forme humaine.

Le reste est donc entièrement instrumental, partagé entre des variations sur le thème du film et des pistes instrumentales sombres et nocturnes. D’autres thèmes plus mélodiques apparaissent. C’en est fini du Disco, place aux boîtes à rythmes et aux nappes évanescentes. "Irina’s Theme" est un beau thème indolent, mélancolique, presque lounge, où Brian Banks apporte une touche jazzy au piano; "To The Bridge" en est une version plus rythmée, avec une autre improvisation, celle du Fender Rhodes, au toucher jazzy plus espiègle. Également en mode mineur, "Paul’s Theme" est quant à lui plus affirmé grâce à la basse séquencée, et plus grandiloquent grâce au piano qui cette fois-ci accompagne la montée de synthés, avec une emphase très vangélisienne. C’est "Brong The Prod" qui en reprend le thème en conclusion de l’album.
Techniquement, Cat People est encore en majeure partie analogique, avec le Roland Jupiter 8 et le Sequential Circuits Prophet 5 – bien que celui-ci inclue un séquençage digital et une synchronisation MIDI – mais le Synclavier II marque pour Giorgio MORODER le premier pas dans l’ère numérique.

Venons-en aux variations sur le thème de "Cat People", qui vont de la brève citation sur "Transformation Seduction" à la longue ballade "The Myth", fredonnée par David BOWIE puis transposée à la quarte inférieure après une fausse fin, en passant par "Leopard Tree Dream", introduit et conclu par une phrase musicale inédite aux guitares. "The Autopsy", "Night Rabbit" et "Transformation Seduction" forment le pendant expérimental de l’album, des morceaux brefs mais pas à négliger pour autant, des interludes glauques, comme des brèches de morbidité dans cet enchevêtrement de trois thèmes forts.

Trois thèmes principaux sur dix morceaux pour trente-cinq minutes. Le pari était loin d’être gagné mais Giorgio MORODER l’a relevé avec brio, renouvelant la réussite de American Gigolo en évitant les principaux pièges de la B.O de film : la redondance et le fourre-tout, un redoutable oxymore.