Encore un album à l’identité visuelle forte, avec cet aéroglisseur ultra-perfectionné et cette ville sous-marine de science-fiction, un artwork signé Shusei Nagaoka – qui a également créé celui du premier album de THE MUNICH MACHINE. Just Blue est selon moi l’aboutissement du style musical de Didier MAROUANI, en bien comme en mal, allant beaucoup plus loin que ses prédécesseurs dans le mélange de mélodies d’inspiration néo-classique, de canevas pop et de sonorités électroniques et Disco.

Mélodiquement, le constat est globalement positif. Il y a tout de même des choses à redire; Didier MAROUANI a toujours versé dans un certain maniérisme néo-classique, et cet album n’échappe pas à la règle, mais là, il pousse vraiment le bouchon un peu loin avec le morceau-titre, au refrain très empesé. Ce constat vaut également pour les deux ballades de service, "Secret Dreams" et "Blue Tears" (ces titres…) qui n’échappent pas à une certaine facilité de composition caractéristique de la musique de variété – internationale en général et française en particulier.

Pourtant, il arrive à se donner à fond sans se perdre avec les très réussis "Final Signal" et "Symphony". "Save Your Love For Me" et "My Love Is Music" sont les nouvelles chansons Disco de cette cuvée 1978, avec ce que cela implique d'exubérance groovy, mais Didier MAROUANI se fait plus discret et se range derrière Madeline Bell. Le mieux, c’est que "Secret Dreams" et "Blue Tears", toutes ballades de variété qu’elles soient, sont loin d’être ratées, au contraire des deux brouets indigestes du précédent album. La première est portée par une belle montée en puissance et la seconde est sauvée par un développement réussi.

Plus encore que sur Deliverance, Didier MAROUANI s’adonne à donf à son péché mignon : les chœurs harmonisés, souvent saccadés. C’est là que ça commence à piquer un peu les fesses. Autant l’usage de ces chœurs suaves est assez pertinent sur "Final Signal", autant ils alourdissent méchamment le refrain du morceau-titre, comme s’il n’était pas déjà assez boursoufflé comme ça. Sur "Symphony", c’est cette fois un vocoder monolithique qui répète le titre sur le refrain, de manière guère plus convaincante.

Après un Deliverance un peu chiche, SPACE a regagné un son d’ensemble opulent. Just Blue marque l’apparition du synthétiseur polyphonique Sequencial Circuits Prophet 5, dont on reconnaît sur "Secrets Dreams" l’un des sons d’usine les plus répandus, une émulation de guitare électrique. Un ensemble de cordes fait son apparition en quelques endroits, comme sur "Symphony". Jannick TOP, se cantonnant jusque là aux synthétiseurs, manifeste davantage sa présence sur Just Blue, au violoncelle sur le morceau-titre où il se fond à s’y méprendre dans l’instrumentation électronique, et à la basse avec le funk de "My Love Is Music" et surtout "Final Signal" où il se fend d’une passacaille mémorable avec des quintes qui respirent la classe – il accorde sa basse comme un violoncelle, en partant du do 1 avec des intervalles de quinte. Sa performance est bien entendu plus propre et cadrée qu’avec MAGMA et VANDERTOP, mais ça reste un petit boost qui fait plaisir.

Malgré certaines boursoufflures, Just Blue s’avère un album plus réussi que je ne le pensais. À la suite de cette troisième sortie, Didier MAROUANI souhaita par la suite orienter SPACE vers les performances scéniques mais se heurta au désaccord de Jean-Philippe Iliesco. Le producteur annula en 1979 un projet de concert aux pieds de la Tour Eiffel sponsorisé par Europe 1, ce qui poussa Didier MAROUANI à quitter le groupe avec fracas.

3 ⅔ sur 5