Malgré le relatif maigre temps passé, l’orange a presque eu le temps de virer au rouge. Pendant que s’opérait cette mutation pigmentaire, le loup hibernait deux ans.

À son réveil, en guise de preuve de vie ou d’os à ronger, il s’inscrit en rupture nette avec le passé, proposant un single et non un album, apparemment le premier item parmi d’autres surprises à venir.

À son réveil, ses yeux se posent sans nul doute sur cet homme visiblement édenté. Démon ? Zombie ? Ou simplement quelque métastase gagnant l’œil et inversant les couleurs comme peut le faire un négatif photographique ? Costumé, cravaté, le terrifiant ectoplasme salue. Au-dessus de sa main, une manifestation surnaturelle ornithologique semble fondre sur lui, moustique attiré par un plan d’eau.

Un autre être vivant marchant dans une flaque, titubant. Des croissants lunaires s’y reflètent, ainsi que millions de visages et autres étendues d’eau cosmiques imbriquées. Les éléments contraires se confondent dans un mélange étrangement homogène. Visages hurlant leur fureur silencieuse, caves dallées où silhouettes mystérieuses restent tapies dans l’ombre, attendant l’heure adéquate. Tout se referme sur d’autres images naturelles, arbres, fleurs (du mal), si chères au loup.

Le visuel préparé par CybermindAbyss, entièrement en noir et blanc, illustre le nouveau single signé ULVER sorti fin 2023, "Ghost Entry". La chanson se présente sous la forme d’une petite bombe synthpop compacte comprenant des guitares utilisées à bon escient et le chant clair toujours magnifique de Kristoffer RYGG. Du ULVER actuel pur jus en somme, toutefois plus lumineux et proche des travaux produits via The Assassination of Julius Caesar et le mini Sic Transit Gloria Mundi que des plus sombres derniers opus Flowers of Evil et Scary Muzak.

Lyriquement, les paroles font d’ailleurs encore référence au Memento mori (Les jours sont comptés) en plus d’alimenter la mythologie du groupe avec second degré et grande lucidité. L’auditeur est ainsi pleinement inclus au processus de création (Les loups ont écrit cela/Enregistré cela/Et aujourd’hui nous sommes/Le lundi 21 juin), malheureusement imparfait à l’instar des activités humaines (Nous répétons/Toujours les mêmes mots) et critique vis-à-vis de sa propre lenteur.

Les maîtres ès IDM AUTECHRE sont invités pour concocter un remix que l’on trouve en face B, une revisite tout à fait recommandable déformant les voix et plus axée ambient. Plus que l’entrée, le retour de flamme d’un fantôme dont on réécoute la voix et la musique qu’il fait, dont les accords finaux japonisants inhabituels renvoient directement à "Lullaby" interprété par les CURE.

2024 s’ouvre donc sur un hululement primal, révélant une beauté indéniable. Cependant, les esprits peuplant 2023 doivent demeurer où ils se trouvent. Restons à l’affût tel Edvard GRIEG, planchant sur Peer Gynt vers minuit et soudain interrompu par cet esprit farceur déplaçant objets dans une symphonie d’effroi.