Son dernier album de rap chrétien augurait un changement radical, non seulement dans la musique de Kanye WEST, mais aussi dans sa vie. On est en pleine crise identitaire majeure : les scandales politiques (ses prises de position anti-avortement et sa campagne présidentielle en 2020), sa relation tumultueuse avec Kim Kardashian qui se soldera par un divorce ultra-médiatisé, sa santé mentale qui se détériore d’année en année. Rien ne semble plus aller pour le rappeur qui décide de changer son nom légal en 2021, ce sera désormais YE, ni plus ni moins.

Mais il lui restera toujours la musique, alors parlons-en. YE sort son dixième album studio en 2021, nommé Donda en hommage à sa mère décédée quatorze ans plus tôt, sa première fan. À travers ses 27 pistes, WEST poursuit l’ambiance de son dernier disque à coup d’orgue et de chorale gospel sur des titres comme "24", "Donda", "God Breathed", voire méditative sur l’intro "Donda Chant" ou sur la ballade de synthés planants "Moon" qui ne sont franchement pas vraiment intéressantes.

Et pourtant, c’est peut-être bien la foi que sa mère portait en lui qui continue de pousser cet artiste mégalo et souvent visionnaire à tracer sa propre voie. Le mood très religieux est carrément omniprésent sur le beat aux éléments électro de "New Again", sur l’atmosphérique "Remote Control" ou sur "Pure Souls" et "Jesus Lord", deux chansons très réussies au milieu de tous ces titres dont finalement assez peu se démarquent réellement.

Ye revient sur sa relation pour en tirer les meilleures leçons malgré les moments difficiles sur "Lord I Need You", "No Child Left Behind" ou sur les couches d’orgue et de piano dans "Come To Life". On navigue du plutôt mauvais ("Jonah", "Junya" ou "Tell The Vision", presque expérimentale) à des sons de qualité moyenne ("Keep My Spirit Alive", le single "Believe What I Say" et son beat plus rythmé aux sonorités r’n’b-house ou l’hypnotisant "Ok Ok"), à des titres franchement plus intéressants (l’instru super cool et puissante du single "Off The Grid", la mélodie de The WEEKND dans "Hurricane" ou la trap gospel de "Praise God").

Beaucoup de titres, trop c’est plus que certain, mais l’équilibre se tient et même si on n'adhère pas aux délires de YE, impossible de nier que ses sons portent toujours sa patte, ce je-ne-sais-quoi qui en fait toujours l’un des rappeurs le plus commerciaux de l’industrie musicale. De mon côté, je retiens "Heaven And Hell", sublime d’intensité, ainsi que "Jail", un duo avec JAY-Z où ce dernier annonce la prophétie de la scène musicale contemporaine (This might be the return of The Throne/Hova and Yeezus, like Moses and Jesus) puisqu’en 2022, les deux artistes remportent avec ce titre le Grammy de la meilleure chanson de rap.

Donda tire en longueur, oui, c’est presque deux heures d’écoute, mais c’est aussi un peu la faute aux quatre remix qui prennent plus de place que nécessaire. On sent surtout que Ye n’a pas fini de s’exprimer et il décide de le faire en s’accompagnant de ses potes du game, Kid CUI, Playboi CARTI, Baby KEEM ou encore Travis SCOTT pour en citer quelques-uns. On pourra donc critiquer la longueur de cet opus, ou ses collaborations parfois limites, mais malgré les réactions mitigées qu’il a rencontrées ces dernières années, on loue bien évidemment l’ambition sans limite de YE qui se ressent au fil de Donda, le classant sans hésitation dans la moyenne.