Kanye WEST est de retour, et comme à son habitude, il ne fait pas les choses à moitié. Après avoir retardé la sortie de Vultures 2 pendant plusieurs mois, il nous le livre presque par surprise en cet été 2024. Ca fait l’effet d’un cadeau qu’on aurait oublié d’ouvrir, un cadeau empoisonné peut-être si on se rappelle le premier volet de la trilogie Vultures. Parce qu’il faut bien l’admettre, Kanye n’a jamais été du genre à faire dans la subtilité.

L’album s’ouvre sur le single "Slide", c’est la mort avant l’heure : un synthé/orgue bien morose pour créer une tension, ça commence mal. Ah oui, j’oubliais, Vultures, c’est toujours sous le sobriquet ¥$, donc on y entendra Ty DOLLA $IGN quand Ye a besoin d’un petit refrain ou d’une punchline plus douce, mais aucun doute ne plane, c’est bien le seul et l’unique Yeezus qui règne sur ce projet. Bon, et sinon "Slide", finalement ce n’est pas si mal lorsque les percussions lourdes prennent le relais ; pour un titre d’introduction coup de poing, ça, WEST sait faire.

On ne peut nier que Kanye WEST a toujours eu un flair pour l’expérimentation sonore. Malheureusement, dans Vultures 2(fi], on a l’impression que l’expérimentation est un mot code pour 'confusion totale'. Imaginez un patchwork de sons jetés ensemble sans réel souci de cohérence, comme si un enfant avait eu accès à un studio d'enregistrement pour la première fois ("Time Moving Slow", "My Soul", "Dead" ou encore "Lifestyle" avec un Lil WAYNE qui n’est clairement pas là pour relever le niveau, s’il vous plaît tuez-moi). Les beats sont tantôt bruts, tantôt ridiculement surproduits, avec des transitions si abruptes qu'on se demande si l’album n’a pas été monté à la va-vite entre deux accès de mégalomanie.

Et que dire des paroles ? Kanye est visiblement un prophète incompris, balançant des phrases sorties tout droit d’un journal intime post-apocalyptique (le cryptique "Maybe", produit par James BLAKE) qui oscillent entre la pseudo-sagesse (Why when somebody break your heart, it help mix your vision?/If you fall in love with a demon or a diva/Pray your soulmate got a soul when you meet her sur "530") et le délire pur (This ain’t cheddar, this quiche sur le délirant "Field Trip"). Où veut-il en venir ? Ca, dieu seul sait… Qui aurait cru qu’un jour, le rap game en viendrait à devoir décoder les divagations d’un artiste qui semble davantage préoccupé par sa propre légende que par la musique elle-même ?

Kanye a toujours su s'entourer de talents. Mais cette fois, on se demande vraiment si les invités sont là par choix ou par contrainte. Peut-être qu'ils espéraient récupérer une partie du mystique génie de Kanye, comme sur le featuring "Bomb" avec ses filles North et Chicago WEST. Quoi qu’il en soit, les collaborations sonnent creuses ("River" avec Young THUG qui se termine dans un gospel que Kanye aime tant), à l’exception du mélodieux "Sky City" avec ses collègues DESIIGNER, CYHI et 070 SHAKE.

Il faut aussi se taper FUTURE dans la ballade chiante "Promotion" ainsi qu’une autre chialante, "Husband". Même si la vibe est chill, éthérée, presque aquatique c’est carrément insuffisant, y’en a marre d’entendre Ye se lamenter avec son bouche-nez comme effet sonore. Heureusement, on retrouve le Kanye qu’on aime, que ce soit avec les sonorités de ses débuts sur "Forever Rolling" ou en plein dans sa rage actuelle sur le beat puissant de "Fried", un titre qui mériterait de sortir en single.

Figure influente mais surtout controversée du rap moderne, Kanye WEST continue de fasciner ses fans - qui défendront leur idole quoi qu’il arrive, persuadés que chaque note dissonante est un signe de génie incompris - avec ce Vultures 2. Qui sommes-nous pour juger après tout ? Pour les autres, cela sonnera peut-être comme une farce musicale, une plongée abyssale dans l’ego sur-dimensionné d’un artiste monumental au narcissisme qui frôle souvent le ridicule. Pour ma part, ce n’est vraiment pas assez bon pour dépasser un 2 tout de même bien généreux.