Recherche avancée       Liste groupes



      
NEW WAVE / ELECTRO ROCK   |  STUDIO

L' auteur
Acheter Cet Album
 



Gary NUMAN - Replicas (1979)
Par PSYCHODIVER le 5 Juin 2024          Consultée 623 fois

𝘙𝘦𝘱𝘭𝘪𝘤𝘢𝘴 ... Androïdes ... Androïdes ... 𝘙𝘦𝘱𝘭𝘪𝘤𝘢𝘴 ... Réplicants !!!

Hep. Je t'arrête tout de suite, gamin. Clarifions les choses dès maintenant. Navré pour ses innombrables fans, mais Blade Runner est un faux mythe total doublé d'un mauvais film. Paroxysme du travail de sape de Ridley Scott, réalisateur de seulement deux films de valeur : Les Duellistes et le premier (et mythique) Alien (qui déjà n'était pas son œuvre mais celle de Dan O'Bannon, Giger et Moebius). On oublie trop souvent que si Philip K. Dick et Gary NUMAN traitaient véritablement du tumultueux rapport être humains/êtres mécaniques, ce n'est pas le cas de Blade Runner, qui passe complètement à côté du sujet qu'il prétend défendre. Réduisant le proto cyberpunk dickien complexe et cérébral à une hollywooderie interminable, peu intéressante et ultra-manichéenne. Tout lecteur honnête admettra qu'il est vain de chercher K Dick dans les pitreries d'un Harrison Ford transformé en pinata pour monstres de Frankenstein suprémacistes envers lesquels les spectateurs sont contraints à un attachement malsain. Quand bien même Gary, bonne pâte, n'a pas déploré le forfait et cite (comme beaucoup) la trahison anti dickienne de 1982 comme une de ses références cinématographiques : les infâmes réplicants n'existeraient pas sans son Replicas. Bel exemple de géniteur respectable ayant malheureusement accouché de rejetons disgracieux. A bien y regarder, c'est Replicas qui fait véritablement honneur à l'auteur de Substance Mort et Au Bout Du Labyrinthe (pour citer mes préférés). Pour résumer, lisez Les Androïdes Rêvent-Ils De Moutons Électriques ? et si les synthés moog ne vous font pas peur : écoutez Replicas.

1979. Howard Devoto culbute méchamment sa honey sous GHB dans le permafrost. Ian Curtis raconte Manchester au travers de poèmes maudits qui feront date. John Lydon et sa bande de jobards salvateurs flinguent les Poptones de la BBC depuis leur Radio 4 clandestine située entre deux dimensions parallèles et Gary ne se laisse pas abattre malgré l'échec de sa TUBEWAY ARMY lors de sa première bataille l'année précédente. Paul Gardiner et Jess Lidyard sont toujours de la partie. Au prochain album, ce sera la bonne, d'autant que Beggars Banquet croit en son poulain.
Choisissant d'exploiter au maximum les possibilités d'un univers qu'il annonçait timidement mais sûrement dès son premier opus, Gary opte pour l'option album concept. Le pitch ? Un scénario qu'il avait en tête depuis son adolescence et qu'il projetait de concrétiser via un projet littéraire abandonné. Dans un futur proche, Londres est devenue une zone de non droit sous contrôle d'une intelligence artificielle dominatrice dans laquelle les êtres humains cohabitent tant bien que mal avec des androïdes et des cyborgs eux-mêmes divisés socialement entre les Mach Men et autres Friends. Le narrateur humain assiste impuissant à la chute d'un monde (lorsqu'il n'apaise pas sa misère sexuelle en compagnie de femmes partiellement ou intégralement mécaniques), tandis que dans les bas-fonds, notamment le Parc tant redouté, les gangs divers se livrent une guerre sans merci et les robots se réunissent pour des chasses sanguinaires à l'homo sapiens (voire pour des tournantes si l'occasion se présente) sous les yeux d'un public de dégénérés qui se repaissent du spectacle depuis leur high rise. 𝘙𝘦𝘱𝘭𝘪𝘤𝘢𝘴, c'est Ghost In The Shell et Galaxy Express 999 (dépouillé de sa dimension space opera) revisités par Burroughs et Anthony Burgess. Âmes sensibles s'abstenir. Certes, les thématiques de science-fiction, notamment celle des robots, ne sont pas inédites dans le rock. HAWKWIND, EMERSON LAKE & PALMER via un "Karn Evil 9" resté dans les mémoires, THE ALAN PARSONS PROJECT et son brillant I Robot, KRAFTWERK bien entendu. Mais Gary ne se limite pas à de la simple évocation ou à une adaptation fidèle et calibrée d'un roman. Il embrasse le mythe de la machine, la transcende et apporte au cyberpunk ses lettres de noblesse. Aussi, méfiez-vous de l'espèce de goth albinos sur la pochette. Ses pupilles rectangulaires visibles au verso de l'œuvre ne sont pas les garanties d'un disque anodin.

"Me I Disconnect From You". Voilà comment planter un décor avec un pouvoir évocateur et une efficacité sans faille. Batterie motorik, basse omniprésente, guitare passée par de multiples filtres space. La célébration du moog peut commencer (ces interventions aussi oniriques que dansantes. À se repasser en boucle). Gary assure dès le départ. Il a enfin trouvé le timbre de voix androïde qu'on lui connaît désormais. Cette voix très personnelle et qui n'a rien de désincarnée, touchante, même lorsque la narration l'impose. Et la tempête sous un crâne inhérente au personnage dickien rugit tandis que la mélodie emporte tout sur son passage. Et puisqu'on parle de mélodies de génie que l'on souhaiterait éternelles, comment ne pas être emballé par celle de "Are Friends Electric" ? Tellement fondamentale qu'on pourrait consacrer une chronique rien qu'à elle. O.M.D n'a pas encore dégainé son "Electricity" et THE HUMAN LEAGUE privilégie encore la discrétion que la TUBEWAY ARMY triomphe (enfin) avec l'hymne synthé pop/electro rock définitif. Rythmique carrée, guitare saturée et savamment utilisée, duels de moogs installant tantôt une grille infranchissable, tantôt une transe mélancolique sublimée par le spoken words juste et poétique de Gary qui endosse son rôle d'humain en perte de repère et sombrant dans une douce résignation à merveille. C'est beau, catchy et réfléchi à la fois. Idéal pour accorder une danse à une cyborg à la recherche de son âme ou à une androïde de cristal en manque de chaleur humaine.

Dans leur majorité, les âmes sont quelques peu moroses et pas chaleureuses pour deux sous dans cette Angleterre ballardienne à souhait. Si, par la force des choses, il vous faut vous aventurer dans le fameux Parc, allez-y armé, avec kevlar et toute bienséance derrière vous. Bonté et empathie ne vous seront d'aucune utilité. Pire, elles vous coûteront cher. "Down In The Park". Tout un programme. Cold-wave avant l'heure, un rythme contemplatif associé à une tension permanente (étouffante) et à des vaines rêveries carillonnantes qui ont sans doute marqué le RADIOHEAD ambiguë de "No Surprises" : ce titre risque de hanter vos nuits pendant longtemps. Et que dire des textes ? Ils rivalisent de radicalité avec ceux des bourreaux punkoïdes les plus cruels et démontrent qu'en 79 écouter du rock pouvait laisser quelques séquelles mentales. Adoptant une posture distante, désabusée voire indifférente, Gary est là aussi impeccable en conteur/spectateur complice de l'Apocalypse. Toute une lignée de torturés notoires (Trent Reznor, dans une moindre mesure Rozz Williams, désolé Richard, j'accroche décidément pas au death rock) et malheureusement de bêtes de foires (MANSON) iront reprendre cette fausse berceuse glaçante. Rien n'est dû au hasard.

Mais l'humanité tient bon face à la machine. À toutes luttes féroces ses munitions. Histoire de ne pas trop décontenancer les quelques inconditionnels de son énergique premier 33-tours, Gary distribue les power chords à tout va avec un jeu toujours aussi incisif sur les brûlots succulents que sont "You Are In My Vision" (qui m'a toujours fait penser à une chanson de WIRE jouée au ralenti) et l'implacable "It Must Have Been Years" sur lequel on ne signale aucun clavier. Rien que de la colère et de l'électricité rageuse flirtant avec le hard rock (et quelle basse!). Les solides "The Mach Man" et "Praying To The Aliens" sont plus en adéquation avec le meilleur du tout venant afterpunk UK, lui-même sous influence du BOWIE berlinois. Ce qui amènera ce dernier à jalouser quelque peu la TUBEWAY ARMY et son drôle de leader. Mais l'électronique pure ne s'avoue pas vaincue. Le morceau titre, opératique, lourd et enclin à la tyrannie par les sons, fait la part belle aux machines qui s'appliquent à étouffer la guitare. Celle-ci s'évapore d'ailleurs littéralement sur les deux dernières pistes instrumentales. "When Machines Rock", sautillante et légère (malgré un soupçon d'inquiétude), semble annoncer certaines OST de jeux vidéos désormais estampillés rétro (on pense aux premières aventures d'un hérisson bleu qui cherche sa dulcinée kidnappée par encore un de ces foutus doubles robotiques, du genre de ceux qui sévissent dans le Parc). Enfin, "I Nearly Married A Human" referme ce voyage dans la cervelle d'un déraciné perdu dans la cyber décadence sur de superbes plages synthétiques anxiogènes et aériennes où le doute se mêle à la réflexion. Le fugace retour de la batterie indique que le règne de l'IA n'est pas forcément pour demain. Qui vivra verra.

Lorsque "Are Friends Electric" se classe numéro 1 des singles UK durant l'été 79, la TUBEWAY ARMY ignore que sa fin est déjà proche. Conquérant les plateaux de Top Of The Pops et du Old Grey Whistle Test, Gary, Paul et Jess, vêtus de noir et de rouge façon brigade répressive de demain, goûtent enfin au début de la renommée. Toutefois, leurs rangs se voient renforcés par plusieurs recrues et la polyvalence de Gary sur le plan musical s'affirme. À tel point que le futur album sera étiqueté à son nom. Outre les bouleversements qui se préparent, force est de constater qu'avec Replicas, Gary est entré dans l'histoire de la musique, rock et électro confondus. Ce dernier 33-tours de la TUBEWAY ARMY demeure son œuvre majeure, son travail le plus abouti, l'un des derniers monuments de la décennie 70 et une pierre angulaire de la new-wave britannique aux côtés du 𝘙𝘦𝘢𝘭 𝘓𝘪𝘧𝘦 de MAGAZINE et de l'éponyme de VISAGE. Diversifié, fouillé, maîtrisé, conciliant le tubesque et l'underground, proposant un contenu à fanatiser des hordes entières de mordus de science-fiction noble, Replicas l'emporte là où KRAFTWERK a échoué avec son Man Machine trop pop et dont le mixage californien ne rendait pas justice à des thématiques cyber cold. D'autres succès viendront. Mais un sacré coup de maître venait d'être réalisé par celui qui allait devenir l'un des porte-étendards les plus fiables du rock froid et paranoïaque du début des années 80 : Gary NUMAN.

A lire aussi en NEW-WAVE par PSYCHODIVER :


Gary NUMAN
I Assassin (1982)
Groove cybernétique ombrageux




Gary NUMAN
Living Ornaments 81 (1981)
Interzone + néo Tokyo = Wembley


Marquez et partagez





 
   PSYCHODIVER

 
  N/A



- Gary Numan  (chant, guitare, claviers)
- Paul Gardiner  (basse)
- Jess Lidyard  (batterie)


1. Me I Disconnect From You
2. Are Friends Electric
3. The Mach Man
4. Praying To The Aliens
5. Down In The Park
6. You Are In My Vision
7. Replicas
8. It Must Have Been Years
9. When Machines Rock
10. I Nearly Married A Human



             



1999 - 2025 © Nightfall.fr V5.0_Slider - Comment Soutenir Nightfall ? - Nous contacter - Webdesign : Inox Prod