Déjà pour les besoins de la cause des pionniers du rock’n’roll en manque de reconnaissance, nous avons une photo… Et comment dire ? Don et Phil ont l’air de mannequins de cire ou, pire, de sortir d’un film d’épouvante. Une abominable image pour illustrer ce onzième opus des EVERLY BROTHERS alors que nous sommes en 1966, année de sortie de Rubber Soul et donc des débuts du marketing. Je ne vous parle pas de ce rouge infâme qui l’encadre ! Messieurs dames il va falloir que cet album soit drôlement bon pour que j’arrondisse à la supérieure ! Nous sommes au plus mal en compagnie de l’ex plus grand duo de la musique populaire. Hélas, en 66, c’est SIMON & GARFUNKEL qui tiennent cette place !

Le duo continue d’essayer de changer son style et cela nous donne "Leave My Girl Alone" où il reprend à son compte pas mal d’ingrédients de la musique des sixties. C’est qu’il faut survivre pour garder un train de vie conséquent ! "Glitter And Gold" a quelques intonations modernes et on entend notamment une fuzz de temps à autres derrière, mais l’ensemble n’a rien de bien mémorable. "The Power Of Love" sonne tel un titre du british boom, c’est la quadrature du cercle lorsqu’on sait l’influence du duo sur toute la scène anglaise des sixties. Mais on remarque le riff de guitare déjà hard-rock. Houla damned ! On croirait les HERMAN’S HERMIT ou leurs fellows collegues TURTLES – des cloches !! - sur "June Is As Cold As December", dieu que c’est étrange, et les voix sont à la limite du faux.

Beaucoup de titres faiblards : on tente le coup de la dynamique avec la batterie trépidante de "I’ll Never Get Over You". mais les harmonies ne rendent pas comme auparavant sur ce nouveau style. Le coup de la boite à musique est maintenant éculé pour nos frangins, alors "The Doll House Is Empty" sonne juste kitsch. La lourdingue "Lovey Kravezit" ne risque guère de traîner dans votre caboche avec son pom pom pom digne d’un shlager allemand. L’ensemble de "I Used To Love You" s’écoute poliment, un des rares instants où l’harmonie semble encore fonctionner, en plus d’une touche de modernité, sur une compo de Sonny Curtis l’ex-CRICKETS.

Enfin, nous avons quatre compos du duo, c’est Byzance ! Un slow agrémenté d’un orgue alors très en vogue, il s’agit de "Chained To A memory" mais il y a là autant d’émotion que d’arêtes dans une dinde. Nous avons aussi une chialante de l’espace avec "It’s All Over", où la mollesse le dispute au kitsch, et où on sent que notre duo ne sait plus à quel saint se vouer. Toujours cette attitude bien hard des guitares sur "The Price Of Love", mais rien à faire, les voix des frères ne font pas l’affaire avec ce genre de musique. Enfin, le mid tempo "It Only Costs A Dime" est probablement un des instants les plus sympas de cette galette avec un piano vif qui pour une fois ne se crashe pas en flammes.

Il n’est pas donné à tout le monde d’avoir dominé outrageusement les charts du monde entier à 18 ans et de se retrouver même pas dix ans plus tard à tirer le diable par la queue pour vendre quelques rondelles. Voici un des exemples les plus frappants de la dureté du monde de la musique. Bien sûr, Don et Phil peuvent compter sur leur fabuleux catalogue pour tourner et jouer devant des fans extatiques, mais en ce qui concerne l’adaptation aux nouvelles modes, il faudra repasser. La sanction est sévère, une étoile pour ceux qui sont dorénavant pris pour des loosers par la jeunesse des sixties.