CALI. Quatre lettres. Le C, pour "chaotique". Le A, pour "anticonformiste". Le L, pour "libre". Le I, pour "intense". Le chanteur n'est pas le genre d'artiste que l'on va voir en concert comme on coche une case, en se disant que tout de même, ce gars-là, il faut l'avoir vu en live au moins une fois dans sa vie. Aller voir CALI en spectacle, c'est faire un pas de côté, mettre en perspective sa propre existence, apporter avec soi son bagage d'émotions, de regrets, de remords, de doutes, et repartir enrichi de sentiments nouveaux, insoupçonnés, porté par une vigueur que l'on ne se connaissait pas, désireux de ne pas lutter inutilement contre les courants contraires de cette vie dont les enjeux, bien souvent, nous dépassent. CALI, en toute impudeur, bouscule nos certitudes, crie et gesticule comme un nouveau-né qui cherche vainement le regard de sa mère.

Ce premier album live, capté à Lille, retranscrit brillamment le flamboyant début de carrière de l'artiste. Constitué d'extraits (à parts égales) de ses deux premiers albums, Le Bordel Magnifique est un live à deux voix : d'un côté CALI, impertinent, sans fard, de l'autre son public, bruyant, participatif, enjoué, qui exalte la saveur de ce rendu sur CD. Bien sûr, il manque ici les interventions reliant les morceaux, les saillies du chanteur qui, à la manière d'un SOUCHON dont il est fan, fait de l'intermède entre les chansons un espace de liberté totale, qui participe lui-aussi à la richesse du concert. A quelques exceptions notables ("Caressez-vous !"), cet album met de côté le verbe pour laisser s'exprimer la musique.

Et quelle musique ! Débutant sur des sonorités délectables d'un rock lancinant ("Je te Souhaite à mon Pire Ennemi"), le show est en effet, et comme son titre l'indique, un joyeux maëlstrom mêlant les influences rock anglo-saxonnes, folk, hispanisantes, mises en avant par des musiciens appliqués. La trompette introduisant "C'est quand le Bonheur", moment particulièrement intense, ce violon irlandais de "La Fin du Monde pour dans 10 Minutes", le piano mélancolique de "Je Sais", la valse triste de "Menteur", autant de moments qui ponctuent le concert avec des arrangements variés, tous portés par une même intensité dans l'interprétation. Le bordel, naturellement, est maîtrisé, CALI œuvre ici en chef d'orchestre bienveillant, habité par son propos. Il insuffle de l'exubérance dans l'intimité ("C'est Quand le Bonheur"), insuffle de l'espièglerie ("Le Grand Jour"), apporte une fausse nonchalance pour contrebalancer les moments les plus intenses, et se balade dans ce répertoire taillé, en effet, pour le live.

A l'exception de certains arrangements (ce court passage à l'harmonica sur "Je m'en Vais", le break de "Qui se Soucie de Moi"), l'interprétation n'est pas si éloignée des versions studio, mais le public aidant, ce live constitue un électrochoc bienvenu qui permet, à loisir, de prendre la pleine mesure de la beauté unique et flamboyante des prestations de CALI, qui clôt avec cet album un début de carrière explosif. Porté par le public, comme sur le visuel de cet album, le chanteur perpignanais ne touche plus terre et livre ici un témoignage retranscrivant parfaitement cette période dorée.