2011 voit la naissance d'un nouveau CD pour Musique Millet, l'option du lycée du même nom à Cherbourg. Le disque de cette année est orné d'un visuel moins enfantin, encore plus beau que d'habitude. C'est que les choses ont changé depuis le premier CD. Comme l'explique le professeur Vincent Lonjon, il est loin le temps de l'enregistrement sans moyens avec un mixage sommaire. Le lycée dispose de financements pour un studio et donc la qualité des "recordings" s'est bien améliorée. Par ailleurs l'option a prospéré sur d'autres plans : les choses (relations, etc...) se sont améliorées d'année en année, Vincent Lonjon dit avoir progressé dans sa manière de faire travailler les élèves, et, détail non négligeable, de 37 élèves en 2000-01, il y en a aujourd'hui plus de 150 ! Ca se voit bien d'ailleurs sur les photos de classe que l'on contemple avec amusement.

Nous faisons donc un grand saut, pour passer du charme des débuts à ce qui parait être une "grosse production" à côté (c'est relatif bien sûr !) Et nous avons pour cette nouvelle année un double album. Mon coeur me dit de commencer par le second, afin de commencer par le très bon pour aller vers le sublime. Ce deuxième CD comporte des choses très diverses sur le plan musical, et met en valeur le chant choral, il y a peu de solistes. Seules la très italienne "Valzer Per un Amore", l'amusante "Lettre à P..." de Paris Combo et le "Gallia" exigeant de Gounod offrent les voix respectivement du contrebassiste Hugo Poidevin (son solo à l'instrument ne passe pas inaperçu), de Léna Quignette et de la soprano Raphaëlle Duquesnes, toutes trois au registre très différent et bien impliquées dans leur style musical.

Les instrumentaux viennent d'horizons divers, par exemple "Lomir Tanz" et "Der Mirjambrunnen" qui sont deux traditionnels klezmers (Europe de l'Est), le "Green Dream" de Thomas Garoche, le traditionnel irlandais "Amazing Grace" et... le guilleret "Friendship" du mythique The Snow Goose de Camel ! Que de belles surprises et je ne vais pas manquer de dire que la dernière est particulièrement touchante. Une fois encore, on ne manquera pas de féliciter les élèves pour leur investissement.

Même chose pour les chansons avec la chorale, quel que soit le genre auquel elles appartiennent. Le piano accompagne seulement d'abord, puis un groupe rock revient pour les trois dernières du disque. "Tonight" de West Side Story et les morceaux de Fauré et Mozart sont des perles intemporelles dignement interprétées. "With or Without You" de U2 (version arrangement du choeur belge Scala on the Rocks) est réalisé dans une sobriété (même le crescendo) qui à de quoi désarmer tant elle procure des frissons. Et Sébastien Mariotti imite joliment les gimmicks de la guitare de The Edge ! On termine dans la joie et la bonne humeur avec le reggaeïsant "Angela" de notre personnalité française préférée, le délirant (et décapant) "La Tartiflette" du groupe de métal Les Trois Fromages et le lycée Millet arrive finalement à me faire aimer une production récente de Philippe Katerine, ce qui n'est pas un mince exploit. Les bonus proposent aussi "La Salsa du Démon" de la troupe du Splendid, mais honnêtement, il vaut mieux la voir en vidéo ! Bravo à tous pour cet effort en tout cas, venons-en au "suprême effort" maintenant.

Le premier CD de ce cru 2011 est, sans mentir, un tel concentré d'émotion que je n'hésite pas à le qualifier comme étant l'un des plus beaux albums de reprises jamais enregistrés. Je ne les connais pas tous bien sûr, je dois aussi vous paraître un peu gonflant à user des superlatifs, mais non rien à faire, je n'en démords pas ! Toutes les chansons proposées sont d'une intensité rare, doublées d'une diversité que peu d'artistes à l'abri des majors (donc loin de ces petites productions) arrivent à offrir. Non vraiment quoi, des amateurs de musiques bien occidentales que sont le pop-rock, la variété et le rock progressif ne peuvent échapper à ce magnifique moment de musique. Il est introduit par "Jimmy" de Moriarty, qui conjugue les talents entre autres de Léna Quignette (un registre idéal pour une aussi belle voix) et de Maureen Lorinquer à la guitare soliste, puis par le superbe "Eye in the Sky" de Alan Parsons Project avec plein de guitares dont une 12 cordes, merci Gilles Beaudoin ! C'était la face pop-rock.

Le disque offre ensuite tout un cycle de chansons peut-être pas toutes apparentées à la variété (Velvet Underground s'il vous plait !) mais bien toutes jouées dans un registre lent et calme. Le "Je T'Aimais, Je T'Aime, Je T'Aimerais" de Francis Cabrel (une de ses plus belles chansons en passant) est interprété de manière touchante par Bastien Loir, accompagné des claviers majestueux du professeur Vincent Lonjon. "Je Suis Malade" de Serge Lama est encore plus vibrante que son originale, grâce à cette intimité fragile et la voix de de Caroline Gasnier qui met de l'expression et arrive à ne pas faire dans la surcharge, ce qui reste proprement admirable. Monia Baudry nous émeut également sur le "If I Ain't Got You" d'Alicia Keys, et la voix de Terri-Jade Nunn sur le superbe "Autumn Leaves" version Eva Cassidy (la grande) me rappelle étrangement celle de Kate Belcher qui, je le rappelle est ma chanteuse préférée, donc je n'en dis pas plus. "Sunday Morning" du Velvet (version June et Lula), "Tell Him" et le "Robin, Prince des Voleurs" de Caroline Lecanu sont interprétés en "configuration plusieurs filles". Chacune d'elles est superbe, mention spéciale à "Robin", et "Tell Him" qui atteignent un sommet proche du nirvana avec ces claviers et ces arrangements vocaux très denses, où les filles sont éblouissantes ! C'était la face variété.

La longueur déjà conséquente de cette chronique me fera passer un peu plus vite sur la partie qui éveillera l'intérêt des fans de rock progressif et pourtant Dieu sait qu'elle me tient elle aussi à coeur. Il convient néanmoins de dire d'abord pour le "Capitaine Coeur de Miel" de Ange que la théâtralité de Christian Décamps est respectée haut-la-main par Jean-Marie Canoville et que le guitariste Félix Moal n'a rien à envier à des Jean-Michel Brézovar et Claude Demet. Et le morceau de choix, la longue suite "Histoire Sans Paroles" d'Harmonium, extrait du Si On Avait Besoin D'une Cinquième Saison bien connu des initiés est un moment de rêverie absolument fantastique, dominé en grande partie par les flûtes de Rebecca Contreiras et Amélie Morange, ainsi que les claviers de Sébastien "The Edge Piano" Mariotti et du professeur Vincent Lonjon. L'une comme l'autre en parlant de ces deux pièces d'orfèvre, sont réalisées fidèlement au possible et de manière très pro malgré le niveau amateur des élèves. D'ailleurs, le son du disque sonne lui aussi pro... C'était la face "prog".

Le deuxième disque vaut 4/5, le premier 5/5, subjectivement et objectivement (c'est moi qui décide !) ce dernier l'emporte. Les imperfections sont nettement moins visibles que sur le premier album pour refaire un parallèle, et vraiment on sent plus que jamais une implication globale, dans le second disque bien sûr, mais aussi et surtout dans ce premier qui est décidément touché par la grâce et restera une belle preuve d'amour envers la Musique.

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