Hands of Time est un album-charnière dans la carrière de KINGDOM COME, puisqu'il voit Lenny Wolf transformer son groupe en un one-band band dans lequel l'artiste germanique décide et contrôle tout, de la composition jusqu'à l'enregistrement et la production des morceaux. Après deux albums, véritables efforts de groupe, qui permirent à KINGDOM COME de faire une entrée fracassante sur la scène hard rock américaine, les années 90 et toute une vague de jeunes groupes aux dents longues frappant à la porte (les balbutiements du grunge) obligent les rockers à se remettre en cause et s'adapter pour survivre. Pour Lenny Wolf, le changement passe par un repli sur soi et une gestion ultra-possessive de son bébé.

Le bonhomme n'est pas encore esseulé, malgré tout. Pour l'accompagner dans sa nouvelle aventure, il fait appel à la parolière Carol Tatum, également harpiste new-age de son état, et dont les textes apportent à Hands of Time une séduisante saveur poétique, éthérée et réflexive. De même, nombre de musiciens interviennent sur l'album, à commencer par le guitariste Blues Saraceno (Cher, Poison, Ziggy Marley) ou le claviériste Koen Van Baal, requin de studio connu pour ses enregistrements avec Scorpions. Lenny se charge pour sa part du chant bien entendu, mais également de quelques parties de guitare lead, ainsi que de la basse. La batterie, quant à elle, est remplacée par une boîte à rythmes, malgré la présence dans les crédits de l'album de deux batteurs, peu ou pas utilisés lors de l'enregistrement de l'album.

Hands of Time témoigne de cette perte de l'innocence hard rock qui caractérisait le groupe à ses débuts, en atteste "I've been trying", mid-tempo délicat et lancinant doté d'une introduction surprenante, car agrémentée d'une flûte céleste (une suggestion de Carol Tatum ?). Les guitares sont bien présentes néanmoins, de même que la voix torturée d'un Lenny Wolf qui livre là une de ses meilleures compositions, à la fois complexe immédiatement appréciable. L'artiste allemand semble bien décidé à apporter une profondeur et un crédit à sa musique, ce qu'il s'évertue de faire avec brio sur chacun des titres qui composent l'albums. Nombre d'entre eux deviendront des classiques de KINGDOM COME, à commencer par le plombé et rageur "Blood on the Land", titre au groove dantesque et à la ligne mélodique imparable (et dont le break est doté de cette flûte décidément mystérieuse) qui contrebalance la saveur acoustique de la ballade "You'll never know", autre titre devenu un incontournable du répertoire de Lenny Wolf.

Le ton est sérieux, et gagne en poésie alors que le morceau-titre, "Hands of Time", mêle guitare bluesy et refrain ultra-mélodique, évoquant la scène céleste illustrée par la pochette de l'album. Chose rare pour un album, on prend plaisir à lire et relire ces paroles à la fois personnelles et universelles. Et au final, l'album s'écoule comme un grand album, celui que l'on prend plaisir à écouter et re-écouter en découvrant régulièrement de nouveaux détails qui avaient pu nous échapper. Légèrement sous-estimé, Hands of Time est un album riche et inspiré, à classer dans le haut du panier des sorties estampillées KINGDOM COME.