Les biographies des musiciens sur leurs pages officielles sont souvent confondantes de flagornerie et d'inutilité. Vous serez ainsi heureux d'apprendre que la voiture préférée de Jimmy Page est le Kangoo décapotable, que la boisson favorite de Paul McCartney est le Cacolac et que la couleur fétiche de Paul Simon est le rose pucelle. Et puis, sachez que la saison préférée de Lenny Wolf, tête pensante de KINGDOM COME, est le printemps. Surprenant. A l'écoute des réalisations du bonhomme post-1995, on pensait plutôt l'artiste homme du froid, se complaisant dans des hivers longs et rigoureux, glacials, dans ces courtes journées qui donnent parfois l'impression de n'être qu'une extension de la nuit polaire. Pas le genre de mec à s'extasier devant le réveil des marmottes.

Car sur Ain't Crying For The Moon, comme sur les quatre albums précédents, l'ambiance est sombre, froide, lourde, chargée de désespoir. Et le bonhomme ne change pas de formule pour cet album de 2006 : se chargeant de l'intégralité de la composition et de l'enregistrement (seul le guitariste Marc Foerster vient glisser deux soli), Lenny reste seul maître à bord d'un navire qui ne cesse de faire naufrage. Néanmoins, cet album voit l'artiste se faire plus belliqueux et plus violent que jamais. Si les tempi restent désespérément identiques, engoncés dans un rythme medium favorisant l'endormissement, le son des guitares, ancré dans des influences indus', se fait plus lourd et agressif que sur les albums précédents du projet. Ceci est particulièrement vrai sur le morceau « Not Here to Be Your Friend », témoignage d'un Lenny remonté à l'encontre de ceux qui critiquent la disparition de KINGDOM COME en tant que véritable groupe. Singeant les reproches, Lenny finit par balancer un « Fuck You » dont la puissance résonne sur ce titre aux guitares acérées comme des couteaux. Une bonne surprise.

L'absence de mélodie intéressante reste néanmoins le gros point faible de cet album. Si les riffs parviennent à se faire marquants, voire groovy parfois (« Darkroom », « Bon Scott », hommage au regretté chanteur d'AC/DC), ces derniers voient leur impact amoindri par des couplets neurasthéniques et un encéphalogramme plat. En fait, la beauté de cet album, comme toujours depuis le début des années 2000 pour KINGDOM COME, se voit cristallisée dans un seul morceau : le morceau-titre « Ain't Crying for the Moon », chanson fleuve de 8'30, véritable pièce de joaillier. La première partie, au piano et violoncelle, constitue une ballade désabusée poignante et magnifique, sublimée par le chant habité de Lenny. La seconde, dotée d'influences hard indus' inquiétantes, complète parfaitement son pendant plus calme, pour un résultat dépassant toutes les espérances.

A côté de ce titre, le reste n'est que littérature, à commencer par la reprise du « Across the Universe » des Beatles. Si on sait Lenny grand amateur de la musique des Fab' Four (il avait déjà repris « And I Love Her » sur le Live & Unplugged de 1996), cet hommage se veut peu marquant, tout comme celui qu'il fait à son propre groupe en reprenant « Get It on » dans une version actualisée qui, forcément, est bien en-deçà du morceau original.

Légèrement supérieur à ses deux prédécesseurs directs, Ain't Crying for the Moon doit ainsi sa survie à un seul morceau, qui rassemble toutes les louanges que l'on peut prononcer en faveur de cet album globalement lourd et peu inspiré. A peine de quoi faire un bon E.P.