EINSTÜRZENDE NEUBAUTEN est un groupe qui a tout compris à la logique des compilations. Au lieu de prendre son public pour des faisans, le groupe allemand prend le soin d'offrir à côté de ses albums studio une série thématique conçue sur le même principe : mêler des morceaux déjà connus à des pistes inédites. Nommée Strategies Against Architecture, elle montre un respect de l'auditeur ainsi qu'un admirable sérieux. Que l'on aime ou pas NEUBAUTEN, le geste est hautement appréciable.

En 1991, Strategies Against Architecture sort donc dans les bacs. SAA II se propose donc de faire le bilan de huit années de carrière, qui ont vu grandir et réussir EINSTÜRZENDE NEUBAUTEN. La principale conséquence est la longueur de la compile, bien sûr. Elle s'étale sur deux disques, là où SAA première du nom ne prenait qu'un seul disque (alors que la matière ne manquait pas). Autre nouveauté, la présence de titres live. Ceci constitue encore un point positif, au vu de la confidentialité des lives officiels déjà publiés. SAA II a une forme excellente, qui augure a priori de bonnes choses.
La lecture de la tracklist refroidit toutefois cette joie. Un déséquilibre certain plombe la compile au niveau des morceaux issus des albums studio. En effet, un seul représente Funf Auf Der Nach..., les autres ayant au moins trois morceaux chacun. Et l'on aurait bien aimé troquer "Abfacklen !" contre "Halber Mensch" ou bien voir ici "Der Tod Ist Ein Dandy". En revanche, la version live de "Haus Der Lüge" est superbe, rien à dire. Mais ce n'est pas là l'attrait principal de SAA II. Il y a les inédits et les lives, structurés qui plus est de manière intelligente. Les enchaînements entre les pistes sont pertinents et donc efficaces. Je retiens en particulier la fin du premier disque, présentant tour à tour un glacial "Kangolicht", une version live d'"Armenia" (toujours aussi saisissant) et "Ein Stuhl in Der Hölle", complètement à contre-courant des deux précédents morceaux.

Le plat de résistance SAA II, à savoir les inédits, n'est pas avare en termes de bons morceaux. Ce n'est pas non plus la baraka pour autant. Une bonne partie d'entre eux sont assez courts, à peine une minute, et encore. Ils ne sont pas foncièrement mauvais, mais peu mémorables. Quant aux autres, si certains sont franchement incroyables ("Armenia II", "Kangolicht", ou encore Sand et son chant en anglais), d'autres sont passablement lourds et répétitifs. A l'écoute de "Leid und Elend" ou bien "Bildbeschreibung", on soupire puis ou bâille – ou l'inverse. Tant mieux s'ils n'avaient pas trouvé place sur les albums studio, ils les auraient plombés.

En terme de structure, d'intérêt et d'honnêteté, il serait tentant, et même logique, de mettre la note maximale à SAA II. Cependant, la qualité par moments trop inégale tempère largement et suffit à donner un constat bien moins enthousiaste que voulu. Mais ne nous y trompons pas, l'acquérir est une bonne chose à faire, quel que soit son niveau de connaissances vis-à-vis de EINSTÜRZENDE NEUBAUTEN.