AN TRISKELL a eu besoin d'un an pour faire peau neuve. Avant cela, le groupe proposait un folk breton pour le moins sympathique, mais qui peinait à se démarquer dans une vague à succès très marquée par des formations similaires.

Les frères Quefféléant, seuls à poursuivre l'histoire en gardant le nom de la formation d'origine, tiennent à mettre en valeur le principal élément de disctinction d'AN TRISKELL : la harpe celtique. Alan STIVELL leur en a donné le goût et ils y sont particulièrement attachés, au point que désormais, Pol rejoint Hervé qui n'est donc plus seul à en jouer.

Ce troisième disque marque donc un tournant important, car il présente une ébauche de la formule adoptée pour les décennies suivantes : un duo de harpes, moitié-instrumental moitié-vocaliste, et complété par d'autres interventions, dans un registre acoustique principalement.

Ici, les deux frères peuvent compter sur la présence de Patrick Lehoux au violoncelle, et celle de Jean-Louis Nouvel au piano, à l'orgue et au clavecin. Les claviers au sens large deviendront une composante essentielle du son du groupe à travers les années.

Comme pour mieux affirmer leur nouveau départ, le disque en question n'a pas de nom et le groupe se dévoile sur la pochette, chose totalement inédite -cela ne se reproduira plus ! La photo reste belle et dans le même esprit que celles des albums folk irlandais.

AN TRISKELL souhaite une affirmation supplémentaire de leur identité bretonne et la distribution se fait par le label Velia, le même que MYRDHIN, AR SKRILHED... Toutefois, on constate qu'il s'agit d'une collaboration éphémère, car c'est le seul disque qui honore le contrat (les suivants seront publiés par Le Chant du Monde).

À la croisée des chemins, ce troisième effort fait le pont entre la Bretagne et l'Irlande en proposant des danses issues des deux répertoires et en soulignant leurs points communs. Ces interprétations sont exclusivement instrumentales et conduites par la harpe, sur la gavotte "Ar Mab Dibreder" repopularisée par les soeurs GOADEC comme sur la bien connue "Brian Boru's March".

Pendant que jouent les guitares et plane le violoncelle, les voix des frères Quefféléant entonnent des complaintes magnifiques telles que "Roving Girl", digne de Christy Moore (PLANXTY) et la bretonne "Ar Weladenn". "Troñ Doue", avec sa mélodie de gwerz grave et profonde, est l'hymne du disque et sera réenregistré tout autrement quelques années plus tard.

Le son permet d'unifier l'ensemble, dans un registre acoustique et semi-baroque. Le choix de cordes pincées métalliques dans un esprit ancien, rustique, participe à cet état de fait. Guitare 12 cordes, harpe bardique et clavecin s'enchevêtrent et mènent un tour de danse commun pour le plus grand bonheur de l'auditeur qui souhaiterait trouver un peu de BACH en Celtie.

Et puis il y a le grand "classique" composé par O'Carolan au XVIIIème siècle, "An Paistin Fionn", beauté parmi les merveilles... Tout à fait recommandable, cet album ouvre une série de créations fort réussies pour un groupe dont la carrière est à classer parmi les plus beaux fleurons de la musique bretonne, aux côtés de MYRDHIN dans le même style.