TRISKELL passe le cap des années 90 avec la satisfaction d'avoir créé deux disques magnifiques, Ondée... (1988) et L'albatros Fou (1990, en collaboration avec Gilles SERVAT). Toujours bien aidés par Patrick Audouin, Jacky Thomas et quelques autres habitués, les frères Quefféléant, par le titre de leur nouvel album, semblent vouloir se retourner sur leur passé : la ballade écossaise avait déjà été mise en exergue pour leur album de 1979, et d'une toute autre manière.

Rowen Tree, loin du son rock progressif d'antan, dégage un fumet doux, celui des productions Keltia Musique, très typiques de ce début d'années 90, petite cuisine à laquelle se sont livrés quelques autres artistes dont Dan AR BRAZ, avec un certain brio. Albums peu onéreux et bénéficiant d'une distribution avantageuse, sans être excellents de façon générale, mais qui présentent pas mal de belles choses.

C'est aussi le cas de ce nouveau disque de TRISKELL, qui mêle chansons et instrumentaux plus volontiers que le précédent. Il est vrai que le chant de Quefféléant est moins marquant que celui de Servat pour certaines raisons, mais on est quand même contents de le retrouver au bout d'une presque dizaine d'années (l'album C'était..., 1983) sur "Ó Ró Sé Do Bheata' Bhaile!". Un chant irlandais guerrier joué de manière folk traditionnelle, avec un esprit très proche du vieux CLANNAD et une fraîcheur bienvenue.

Le début d'album est de toute façon très réussi, avec une intonation écossaise aux couleurs d'aube. "Anachie Gordon" par TRISKELL à la harpe seule et aux claviers, comme d'autres reprises, peine à faire oublier la version merveilleuse de Loreena McKENNITT sur son album Parallel Dreams (1989) mais elle reste parmi les plus beaux morceaux proposés.

Plus loin, "Rowen Tree" est également jolie, dans sa nouvelle version plus aiguë. L'arrangement est moins lourd que celui de la version précédente, la harpe apporte beaucoup. Ce qu'il faut retenir de l'album, c'est une formule simple "fait maison" et qui fonctionne, même si parfois cet aspect se ressent légèrement trop.

Par exemple, "Will Ye Go Lassie Go", autre écossais de cette importante sélection gaélique, contient des claviers un peu hors-sujet, et le reste de la réalisation paraît trop sec. On dirait presque une maquette, et c'est dommage. Dans le groupe de chansons, il y a aussi "Tasmant" ("fantôme"), une composition avenante d'Hervé Quefféléant sur un texte de Youenn Gwernig.

Les instrumentaux sont bien sûr réservés à la harpe, aux harpes même, on s'en doute. Thomas, Audouin, Abjean soutiennent plus ou moins le tandem de base pour ce qui reste une belle sélection, mais soyons honnêtes, ce n'est pas le disque de TRISKELL que l'on réécoute le plus souvent. Le groupe délaisse son caractère aventureux et malgré la beauté indéniable, peu de moments nous donnent des frissons comme les disques précédents l'ont fait. Seuls "For Roisin Shaghdha" et "Anachie Gordon" se hissent au niveau des merveilles d'Ondée...