Depuis le début des années 70, la vie de GLENMOR est rythmée par l'actualité du mouvement breton. 1978 l'illustre tout particulièrement. Durant l'été, alors que le FLB vient de faire sauter l'aile gauche du château de Versailles, la répression s'abat de nouveau en Bretagne. Des centaines de personnes, activistes clandestins avérés comme simples militants culturels, sont arrêtés. En signe de protestation, Milig ar Skañv entame une grève de la faim dès l'année suivante.

Toute cette agitation ne l'empêche cependant pas de continuer à écrire, et c'est ainsi la sortie d'un septième album qui vient célébrer ses vingt ans de carrière. Malgré le contexte, Tous ces Vingt Ans Déjà ... Pour un Vingt Ans d'abord ne suit guère les traces du très politique E Dibenn Miz Gwengolo et retourne à des textes plus introspectifs et posés, dans la veine du magnifique Ouvrez les Portes de la Nuit (1974). Le morceau d'ouverture « Vingt Ans d'Abord » nous dévoile un GLENMOR en proie aux doutes. « Ai-je écrit dans le vent ? » / « Piv n'eus heuliet, piv a heulio ? » (1) se questionne-t-il au cours de ce texte sublime. Le reste de l'album est néanmoins en demi-teinte. Si la poésie des chansons pacifistes « Les Hommes de Notre Temps » et « L'Aube de la Guerre » est à saluer, le barde développe également des thèmes qui ne lui siéent guère. « Le Mont Nébo » se perd dans les pages de la Bible, « Les Caches d'Amour » mêle amour courtois et niaiseries vieux-jeu, tandis que « Tir na Nog » s'essaye sans grande passion à la mythologie celtique. Enfin, « Si le Vol des Oiseaux » complète le premier titre dans ce même exercice de chanson-miroir, mais perd son auditeur dans une tirade où notre barde s'imagine à la fois peintre et trouvère.

Les morceaux folk ont totalement disparu du répertoire de GLENMOR et ce dernier va ici suivre la grande mode qui s'est emparée de la musique bretonne à la fin des années 70 : les synthétiseurs. Et c'est bien là où le bât blesse. Car, bien que ceux-ci n'aient qu'un rôle d'accompagnement et que l'on reste très loin de l'usage qu'en font les autres artistes bretons de l'époque, ils ont toutefois tendance à ternir le propos de l'album. Sans vouloir forcément reprocher au disque d'avoir très mal vieilli (2), on ne peut que regretter cet emploi qui plombe des chansons déjà moins passionnées. « Les Caches d'Amour » s'en trouve plus désuette, « Le Mont Nébo » vire à la dévotion, « Les Hommes de Notre Temps » se rabougrit en pâlissant et « L'Aube de la Guerre » sent la moisissure baroque.

La page est définitivement tournée et GLENMOR s'éloigne de plus en plus de ses premières œuvres. Il peine cependant à proposer quelque chose de réellement convaincant en retour. La langue bretonne y est aussi quasiment absente, un comble ! Une reprise de « Kan Bale an ARB » clôt bien l'album mais sa présence ressemble plus à un ajout de dernière minute qu'à autre chose. Tous ces Vingt Ans Déjà ... Pour un Vingt Ans d'abord est un anniversaire raté, où personne ne bouge. Vingt ans d'engagement, vingt ans de « combat pour son pays », fêtés sans grande ferveur par un barde qui commence à s'épuiser ... La plume est encore belle, mais pour combien de temps ?

(1) « Qui a suivi, qui suivra ? »
(2) Ce qui est quand même le cas et se ressent moins sur les précédents albums ...