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- Style : Alan Stivell , Tri Yann, Gilles Servat , Léo Ferre
- Membre : Bernard Benoit , Dan Ar Braz

GLENMOR - Princes, Entendez Bien (1973)
Par JOVIAL le 19 Octobre 2014          Consultée 4942 fois

Princes, Entendez Bien… ou la grande révolte de GLENMOR. C’est un fait, voici bien le vinyle le plus engagé et le plus politisé du barde. Vous vous en doutez, celui-ci est évidemment très loin d’avoir fait l’unanimité à sa sortie et ne la fera probablement jamais : brillant pamphlet libertaire pour les uns, vil brûlot séparatiste pour les autres, ses partisans et ses détracteurs n’y trouveront jamais un terrain d’entente. Princes, Entendez Bien… est une immense provocation qui, à mes yeux, n’a guère connu d’égal à l’époque en France. Nous touchons là à une remarquable œuvre contestatrice, qui va beaucoup plus loin que le simple tapage médiatique dont GLENMOR ne pouvait de toute façon pas jouir, étant encore censuré. Pour autant, ce quatrième album eut réellement l’effet d’une bombe en 1973 et a marqué des générations de Bretons, au même titre que La Blanche Hermine de Gilles Servat. Le détonateur, Milig ar Skañv l’actionne ici avec le légendaire « Kan Bale an ARB » (« Chant de Marche de l’ARB »), qui est resté dans toutes les mémoires. Le texte, très dur, est sans équivoque, c’est un appel à l’insurrection : « il est temps de commencer, Bretons, le grand combat du pays » et de partir « sur les routes de la guérilla ». Il deviendra à ce titre l’hymne officiel du Front de Libération de la Bretagne et son air à la bombarde fait encore aujourd’hui partie du répertoire des sonneurs bretons lors des manifestations. Si Yann Puillandre, chanteur traditionnel et ancien du FLB, déclarera plus tard qu’il s’agit là « des plus belles paroles de lutte écrites en langue bretonne », nombreux sont ceux qui accuseront au contraire GLENMOR de réaliser une apologie du terrorisme, voire un chant xénophobe. Encore une fois, le souvenir des Breizh Atao n’a pas tout à fait disparu… Mais quoiqu’il en soit, c’est LE grand titre de GLENMOR, son morceau le plus facilement cité en tous cas, à côté d’une discographie au demeurant mal connue.

« Kan Bale an ARB » est pourtant une chanson assez inhabituelle dans l’œuvre du Breton. C’est en effet la première fois qu’il fait intervenir un instrument traditionnel, en l’occurrence la bombarde. L’utilisation de la batterie est aussi une nouveauté, pour parfaitement donner une cadence toute militaire à l’ensemble. Un véritable chant de guerre donc, où GLENMOR exhorte les combattants bretons « à mettre dehors les Français » et à faire exploser leurs « châteaux », réclamant par là l‘indépendance de la Bretagne, ni plus ni moins. « Il s’agit d’un chant partisan, écrit pour des partisans, pas plus con que d’autres hymnes, pas plus bête que la Marseillaise en tous cas » répondra-t-il à Michel Polac au cours d’une émission restée célèbre en 1982 (1).

Mais nous avons déjà trop dit sur « Kan Bale an ARB » et il nous serait bien difficile de l’édifier en arbre cachant une forêt aussi touffue. Car comment faire d’ailleurs de l’ombre à « Princes, Entendez Bien… » et son extraordinaire monologue de plus de dix-sept minutes ? Unique dans l’œuvre du Breton, cette chanson prend autant des allures de pièce de théâtre, notamment lorsque notre barde singe une discussion entre un évêque et un préfet, que de tribune politique. Assurément, il s’agit bien du plus beau texte d’un GLENMOR au sommet de son art et d’une puissance flamboyante. Ses adversaires n’y ont vu que des palabres nationalistes, mais « Princes, Entendez Bien… » dépasse réellement ce simple plan. Outre l’évidente revendication politique, ce morceau est également un hommage à ses « compagnons des heures noires », aux militants bretons, mais aussi et surtout une catharsis. GLENMOR sentait parfaitement qu’il vivait une époque bientôt révolue, celle d’une Bretagne bretonnante menacée par l’exode des jeunes et une politique centraliste trop autoritaire. Il souhaitait donc une évolution, qui signifiait pour lui la chute des puissants pour la survie du peuple breton et de son identité. En somme, cet héroïque « Princes, Entendez Bien… » est autant contestataire que nostalgique, émouvante même lorsque chœurs et bombarde reprennent la mélodie du « Kan Bale an ARB ».

La seconde face du disque elle non plus n’est pas en reste. GLENMOR y compose deux morceaux folk des plus grisants : « Les Amicalistes », critique acerbe des amicales où l’on festoie plus qu’on agit, et « L’Écho des Cathédrales », sublime avec ses arpèges toute en cascade. La plus mélancolique « Puis Nous Garderons » complète en revanche « Princes, Entendez Bien… », où le chanteur exprime de nouveau toute sa nostalgie, un peu à la manière de « La Garce » ou de « Memento » sur les albums précédents. Plus grave enfin, « Le Récit Bardique » s’annonce sous un ciel bien noir, GLENMOR s’imagine ici le barde contant après la mort de la Bretagne, honorant les fantômes des derniers braves à avoir combattu les « Francs », finalement vainqueurs d’une « province » autrefois rebelle. Le disque s’achève néanmoins sur une note d’espoir, un appel du pied aux nouvelles générations pour « défaire le demain […] pour qu’au fil des ans nous reviennent nos libertés », ce pour quoi GLENMOR se battra toute sa vie.
Soyons honnête, faire la critique d’un tel album est une rude épreuve si l’on s’apprête à le faire en toute objectivité. Une œuvre aussi politique ne peut s’apprécier si l’on réfute dès le départ les idées de GLENMOR et écouter le disque en faisant abstraction des textes n’aurait aucun sens. Il est aisé de se mettre à la place de l’auditeur qui trouvera que le chanteur en fait toujours trop avec « sa » Bretagne et « ses » Bretons, ses « chez nous » et ses « Parisiens ». La note finale est donc tout à fait subjective et libre à chacun de venir la contester. Dans tous les cas, Princes, Entendez Bien… est une plage de colère que ne manquera pas d’impressionner, en bien ou en mal, de part sa verve et sa violence, intactes après plus de quarante années. Jamais personne n‘avait été aussi loin concernant la Bretagne, affirmation, elle aussi, est toujours d’actualité.

Une pièce maîtresse de la chanson engagée en France.

« Il y aura des hommes et des hommes à foison aux agapes des places publiques,
Il y aura des hommes debout pour une nouvelle république, la nôtre et la plus ancienne ! »

Note : 4/5
À écouter : « Kan Bale an ARB », « Princes, Entendez Bien » et « L’Écho des Cathédrales »
 
(1) Il s’agit de Droit de Réponse du 26 juin 1982 sur les minorités régionales et nationales en France. Une émission historique puisque c’est la première fois que la question des minorités est abordée à l’antenne et que la parole leur est donnée directement. Sont ainsi présents sur le plateau des Bretons (dont Glenmor), des Corses, des Basques, des Alsaciens, des Occitans et des Catalans.

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   JOVIAL

 
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- Glenmor (chant/guitare)
- Fañch Bernard (contrebasse/piano)


1. Princes, Entendez Bien
2. Kan Bale An Arb
3. Puis Nous Garderons
4. Les Amicalistes
5. L'echo Des Cathédrales
6. Le Récit Bardique



             



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