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- Style : Alan Stivell , Tri Yann, Gilles Servat , Léo Ferre
- Membre : Bernard Benoit , Dan Ar Braz

GLENMOR - Cet Amour-là (1969)
Par JOVIAL le 13 Juin 2014          Consultée 4105 fois

[Une présentation de GLENMOR étant nécessaire au préalable, cette chronique sera plus longue qu'à l'habitude. Libre à vous d'aller directement à la « vraie » critique de l'album, à partir du troisième paragraphe.]

Il est communément admis que la renaissance de la culture bretonne au début des années 70 est principalement associée à deux grands noms de la musique de l'Hexagone, ceux d'Alan STIVELL et de TRI YANN. C'est à juste titre d'ailleurs, puisque leurs succès inattendus seront à l'origine d'un engouement massif et d'une réappropriation par les Bretons de leur culture, moribonde depuis plus d'un demi-siècle. Toutefois, on oublie trop souvent que ni Stivell ni les « Trois Jean de Nantes » n'en sont les précurseurs et que bien au contraire les prémisses de cette renaissance se font déjà sentir vers la fin des années 50. Quatre grands acteurs en sont directement les responsables : Loeiz ROPARS tout d'abord, qui relance la tradition du fest-noz à Pouallouen en 1954 ; les Sœurs GOADEC (ar C'hoarezed Goadeg) et les Frères MORVAN (ar Vreudeur Morvan), qui redonnent vie au fameux kan ha diskan ; et enfin un certain Milig ar Skañv, plus connu sous le pseudonyme de GLENMOR, premier du genre à proposer du folk chanté en breton et qui s'impose dès 1959 comme l'un des plus acharnés défenseurs de son peuple, à la langue et à la culture plus que jamais en danger d'extinction.

Il faut dire que lorsque le jeune Milig revient au pays après avoir achevé ses études et son service militaire, la Bretagne est dans un sale état. La « province » est l'une des plus pauvres et arriérées du territoire. La langue bretonne se meurt rapidement, plus d'un million de locuteurs ont disparu en moins de cinquante ans sous les coups de boutoir d'un État centralisé qui en proscrit l'enseignement. Il est même interdit aux parents bretons de donner des prénoms celtiques à leurs enfants ! GLENMOR a lui aussi connu le même genre d'humiliation durant ses jeunes années : bretonnant de naissance, il est régulièrement victime de l'obstination de ses professeurs voulant à tout prix lui faire oublier son « patois ». Opiniâtre, Milig apprend tout de même à lire et à écrire dans sa langue natale. Après des études à Rennes et un séjour chez les bidasses à Paris, il tente par la suite sans succès de faire revivre le théâtre populaire breton avant de s'exiler pendant deux ans sur les routes d'Europe. C'est à son retour en 1954 qu'il se met à composer et adopte le nom de Glenmor, « terre-mer » en breton, représentant les deux faces de la Bretagne, l'Armor et l'Argoat. Devenu véritable barde moderne, il se produit dès lors aussi bien chez lui qu'à Paris ou en Belgique. Son incroyable charisme, qu'aident beaucoup sa carrure imposante et une barbe en broussaille, ne payent cependant pas immédiatement. Ses textes appelant à une libération de la Bretagne ne passent pas du tout, notamment auprès de nombreux Bretons. Il faut dire que le souvenir du Parti National Breton et des exactions de la Bezen Perrot, dangereux illuminés fascistes ayant malheureusement choisi le mauvais camp durant la guerre, ultra-minoritaires mais toujours objet de honte pour les Bretons, est encore très présent. Malgré tout, GLENMOR n'en démord pas et parvient à s'imposer durablement dans les salles de Bretagne et de Navarre jusqu'à signer chez Barclay pour sortir son premier album en 1969, après quelques 33 tours et un live autoproduit.

Recueil de douze chansons, qui deviendront par la suite toutes des classiques dans le répertoire du barde insoumis, Cet Amour-là se présente avant tout comme le manifeste de l'œuvre de GLENMOR. La musique n'a certes rien de révolutionnaire, ce folk est somme toute une formule assez banale pour l'époque, malgré la présence remarquable de la harpe celtique et d'une discrète flûte traversière en accompagnement. Seul finalement « Sodome » emploie à plein rendement les services de l'orchestre recommandé par Barclay et dirigé par François Rauber. La qualité de ce premier album est toutefois à rechercher ailleurs, en premier lieu dans cette voix si puissante qui donne toute sa force et sa beauté à Cet Amour-là. GLENMOR habite le disque de bout en bout, vit ses textes comme un damné. Parfois même à la limite de l'exagération et du théâtral, son passage par le c'hoariva (1) dans sa jeunesse se fait ainsi particulièrement sentir. Étonnamment, l'album ne contient aucune chanson en langue bretonne, ça sera par ailleurs la seule fois, les suivants en comptant systématiquement au moins une ou deux. Nous ne sommes pas non plus à l'heure des grandes revendications à la « Kan Bale an ARB » ou de la « Contre Marseillaise » qui viendront plus tard, Cet Amour-là évitant pour le moment de monter aux créneaux pour la Bretagne et les Bretons.

Mais cela n'empêche GLENMOR d'exprimer toute sa colère. Presque symboliquement, l'œuvre débute avec « Sodome », violent réquisitoire à l'égard de Paris, cette ville du paraître et de la débauche, « où l'on crève à genoux », grande dévoreuse d'hommes et de femmes y cherchant une vie meilleure qu'ils y sacrifieront pourtant. Paris, c'est aussi la France, la cité des puissants asservissants sans morale ni honneur, auxquels Milig jure préférer la damnation que la soumission (« Dieu me Damne »). Si poétiques qu'ils soient, les textes de GLENMOR sont également des armes bien affutées qui sans peine font mouche à chaque fois, nous touchant directement là où le cœur bat : « Les Croisades », très grave, appelle à la paix pour que jamais plus la Terre Sainte ne se change en théâtre ensanglanté, tandis qu'« Ils se Meurent Nos Oiseaux » se désole des catastrophes écologiques qui menaçent (2). « Table d'Hôte » enfin est une ode à la tolérance, mais aussi un constat attristé de ces vieilles rancoeurs qui empoisonnent les relations avec « l'étranger », dont GLENMOR réclame avant tout l'amitié.

L'amertume n'est néanmoins pas de rigueur sur toutes les chansons et Milig y oppose notamment son « Credo de la Joie », fausse chanson pieuse et hymne au bonheur simple (3) et surtout l'enjouée « Cet Amour-là », d'une gaieté fort réjouissante. La fameuse « Le Retour », hommage émouvant à son pays de Maël-Carhaix, « la vallée de [ses] amours », est pareillement un pur délice. Notre Breton achève enfin avec « La Rose », écrite pour Katell sa compagne qui lui reprochait d'avoir fait mourir son rosier dans leur jardin. Une gentille dispute conjuguale que GLENMOR allait conclure par un de ses plus beaux poèmes. Celui-là même clôt de la meilleure des façons ce premier magnifique album du grand barde. Doté déjà d'une très grande assurance, Milig Ar Skañv entame sa discographie par un petit chef d'œuvre au fort retentissement, ouvrant la voie à une nouvelle génération de chanteurs bretons engagés, de Gilles SERVAT à Youenn GWERNIG en passant par Gweltaz Ar Fur et bien sûr Alan STIVELL.

Un essentiel.

5/5
Les meilleurs : « Sodome », « Cet Amour-là » et « Les Croisades »
(1) « Théâtre » en breton.
(2) Deux ans auparavant le Torrey Canyon faisait justement naufrage aux larges des Cornouailles, causant une marée noire sur les côtes bretonnes.
(3) Il faut savoir que si GLENMOR était farouchement anticlérical, il n'en était pas moins chrétien et avait développé une vision très personnelle de la religion, devant associer une liberté totale à une jouissance partagée, dans les limites de la morale.

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1. Sodome
2. Le Retour
3. Les Croisades
4. Credo De La Joie
5. Table D'hôte
6. Ils Se Meurent Nos Oiseaux
7. Cet Amour-là
8. Dieu Me Damne
9. Dame Misère
10. Il Se Fit Âne
11. Je Rirai Peut-Être Demain
12. La Rose



             



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