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- Style : Alan Stivell , Tri Yann, Gilles Servat , Léo Ferre
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GLENMOR - Ouvrez Les Portes De La Nuit (1974)
Par JOVIAL le 9 Janvier 2015          Consultée 4232 fois

Les premiers mois de l’année 1974 sont synonymes d’espoir en Bretagne. La mort prématurée de Georges Pompidou le 2 avril et l’élection sur le fil de Valéry Giscard d’Estaing le 19 mai redonnent le sourire aux militants bretons, après quinze années d’une présidence gaulliste sourde aux différentes revendications. Volontaire et réformiste, Giscard d’Estaing semble d’ailleurs tout particulièrement concerné par la question bretonne : il amnistie les prisonniers du FLB, relance le débat de la régionalisation et évoque pour la première fois l’idée d’une charte culturelle, permettant notamment l’enseignement du breton. Toutefois, la majorité gaulliste de l’Assemblée contraint rapidement le jeune président à revoir ses plans en lui imposant Jacques Chirac comme premier ministre. La régionalisation ne se fera pas et la charte culturelle - « une miette de pain tombée d’une table » selon certains - mettra quatre ans à être élaborée. En réaction, les actions du FLB se radicalisent et nombreux sont les militants culturels déçus à venir grossir ses rangs. C’est le début des « années de poudre » en Bretagne, qui va désormais vivre à l’heure des spectaculaires attentats du mouvement clandestin. GLENMOR lui, est toujours interdit d’antenne, mais plus pour très longtemps. Les années Giscard voient peu à peu la censure s’atténuer à son égard, un « cadeau » que le barde remerciera plus tard par une cinglante adresse au chef de l’État : « Au nom de quel genre de démocratie dois-je assister impuissant à la mort d'une langue et d'une culture ? ».

Le contexte est donc particulièrement bouillant lorsque GLENMOR enregistre son cinquième album, chez lui à Mellionnec. À sa sortie pourtant, celui-ci est bien loin d’être aussi polémique que le fameux Princes, Entendez-Bien … qui s’ancrait alors parfaitement dans l’actualité politique bretonne du début des années 70. Au contraire, Ouvrez les Portes de la Nuit revient à des chansons plus intimistes et personnelles, qui rappelleront davantage les humeurs de Cet Amour-Là (1969) ou de Vivre (1972). Une exception notable est cependant à signaler, avec l’étrange « La Mort de Lez-Breizh », très glauque, très théâtrale, inhabituelle même dans l‘œuvre du barde, qui sous la métaphore de la mort du premier roi de Bretagne dénonce évidemment l’acculturation forcée du peuple breton. Pour le reste, GLENMOR contient sa rage et donne à sa révolte des accents plus dramatiques, un peu à la manière de Léo FERRE ou de Youenn GWERNIG. Les hymnes pacifistes « Il ne faut plus tuer » et « Mais il y a » l’illustrent complètement, là où beaucoup aurait volontairement élevé la voix, notre barde pose les choses et déclame avec passion mais sans colère, pour deux chansons poignantes comme jamais. Même remarque pour « Ouvrez les Portes de la Nuit » qui révèle un texte absolument magnifique soutenu par une instrumentation sublime, contant l’existence du peuple breton, paysans, marins, exilés, amnésiques, pauvres bougres oubliés dans la nuit des temps.

Entre Princes, Entendez-Bien … et E Dibenn Miz Gwengolo, ce cinquième disque fait figure de calme entre deux tempêtes. GLENMOR descend du talus et repose la fourche pour se remémorer avec délectation ses souvenirs d’Écosse (« War Hent Ker Dundee ») ou ses premiers amours (« Tu Drainais le Temps », « L‘Herbe était nouvelle »). Il se prend même à converser avec Dieu (mais jamais l’Église !) pour que les orgies sanglantes des uns et des autres soient pardonnées, conscient que, peut-être, parler de pacifisme aux hommes est chose plus que vaine (« Tout au Bout du Sillon »). Avec plus d’amertume, il imagine enfin sur la touchante « Pardonnez-Nous » le futur bien terne de ses enfants, avouant presque ici sentir que sa lutte contre les puissants est trop inégale pour être remportée. Sans jamais rogner la poésie des textes, Ouvrez les Portes de la Nuit privilégie des chansons plus courtes, moins grandiloquentes, empreintes d’une simplicité qui lui confère finalement toute sa force et sa beauté. Musicalement il s’agit d’un album charnière, c’est en effet le dernier vraiment folk. La guitare sèche se fera par la suite plus rare, GLENMOR préférant une formule piano/contrebasse moins brute et dépouillée. Charnière également parce que le chanteur breton offre là son dernier vrai chef d’œuvre, E Dibenn Miz Gwengolo et les suivants n’atteindront jamais plus une qualité similaire.

Étrangement, Ouvrez les Portes de la Nuit est un album oublié dans la discographie de GLENMOR. Parce que sans doute moins rebelle que les autres, moins provocateur. Ou bien serait-ce cette pochette qui n’affiche pour une fois pas le visage rude et hirsute du barde ? Pourtant cet album est une sacrée perle, bien plus digeste que les précédents. GLENMOR, ce n’était pas seulement la voix partisane d’une Bretagne libre, mais aussi et surtout un artiste hors du commun, capable de faire vibrer les langues française et bretonne comme bien peu avant et après lui. Ouvrez les Portes de la Nuit en est la preuve absolue, un trésor à redécouvrir d’urgence.

5/5
À écouter absolument : « Ouvrez les Portes de la Nuit », « War Hent Ker Dundee », « Il ne Faut Plus Tuer » et « Mais il y a ».

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   JOVIAL

 
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- Glenmor (chant/guitare)
- Fañch Bernard (contrebasse/piano)


1. Ouvrez Les Portes De La Nuit
2. War Hent Ker Dundee
3. Tu Drainais Le Temps
4. Il Ne Faut Plus Tuer
5. La Mort De Lez-breizh
6. Pardonnez-nous
7. L'herbe Etait Nouvelle
8. Mais Il Y A
9. Tout Au Bout Du Sillon



             



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